La ville, comme support matériel de nos vies, a définitivement pris le chemin du numérique. Sur les terminaux mobiles, nous obtenons l’information nécessaire à nos appétits d’urbanité. Le développement des applications s’appuyant sur la géo-localisation a entraîné une territorialisation d’une grande partie des flux immatériels tandis que le système « many to many » produits un nouveau type de relation via les réseaux sociaux.
Les fonctions traditionnelles de la ville que sont l’unité de lieu et l’identité se voient balayées par un mixage spatio-temporel où chacun reconfigure son territoire de vie, tel une ville à soi, à partir des multiples relations numériques qui le relient au monde réel. Les repères urbains que sont les monuments sont peu à peu remplacés par une monumentalité numérique émergente. Les nouveaux architectes seront des programmateurs capables de structurer nos actions quotidiennes dans des applications communes.
L’iPhone est certainement le prototype de la ville de demain. Non pas une ville apocryphe mais bien une visibilité dominante reconfigurant littéralement l’espace. L’invention de la réalité augmentée, qui demain deviendra une réalité individualisée, n’explique pas autre-chose : l’espace n’est pas mort car la révolution en cours se situe dans sa perception.
S’il fallait faire un peu de science fiction, il y a fort à parier que la ville du futur sera constituée d’une structure froide sur laquelle chacun de nous projettera ses propres attentes grâce à un mapping simultané. Je déambulerai dans un quartier ultra-design tandis que mon voisin de trottoir percevra, selon son plaisir, une architecture néo-gothique. Chacun configurera pour lui-même une ville providentielle et les services se combineront dans cet environnement virtuel de telle manière que nos projections trouveront à chaque instant une issue dans laquelle une action physique sera possible. Monde urbain personnalisé, mais en aucun cas personnel, ces configurations seront produites et vendues par des grandes marques et l’environnement qui en découlera sera savamment conçu pour orienter nos pratiques de consommation. Nous vivrons dans une ville aux contours flottants.
Cette ville existe déjà sous forme fragmentaire. La scénarisation de narrations spatialisées a été expérimentée dans les parcs d’attraction avant d’être introduite dans les centres commerciaux de dernière génération. La réalité augmentée trouve des applications consuméristes avec les publicités envoyées sur les téléphones des consommateurs asiatiques sur les lieux de leurs emplettes. Ne manque que l’intégration de ces applications diffuses au sein d’environnements globaux.
Il faut remarquer dans ce système l’absence du politique remplacé par l’opinion dont le flux ininterrompu du micro-blogging forme le bruit de fond. Plus qu’une nouvelle ville, c’est une nouvelle société qui nous presse de toute part ressuscitant les utopies de la seconde moitié du 20e siècle : la ville à l’espace ininterrompu et le triomphe du capitalisme au détriment de nos vieilles organisations politiques.