PB 207,2/82 "AUTOPORTRAIT"
PASCAL BROCCOLICHI
Centre d'Arts PLastique de Saint-Fons
Jusqu'au 26 mars 2011
Pascal
Broccolichi est un artiste qui travaille le son, mais aussi l'image, le dessin et la forme.
Il signe actuellement une exposition avec le Centre d'Arts Plastiques de Saint-Fons, tout près de Lyon. cet événement se
nomme pb, un titre valise paraphant tout à la fois les initiales de l'artiste et le symbole chimique du plomb.
Il faut savoir que la ville de Saint-Fons est située en bord du Rhône, sur une zone définie comme "La vallée de la
chimie", et que cette appellation désigne bien l'activité prédominante de ce couloir rhodanien classé zone à risques Seveso 2.
La production de certains acides vitriolés dans les complexes chimiques de Saint fons se faisaient autrefois dans des
chambres de plomb étanches, d'où l'allusion plombée de cet "autoportait "broccolinien.
Néanmoins il ne s'agit pas, en invoquant le plomb, de dramatiser le site géographique dans une sorte de catastrophisme
écologique, mais bien de l'associer à des processus économiques métallurgiques et chimiques présents depuis une cinquantaine années in situ. Ces approches spécifiques tendent ainsi, sans noircir
le tableau, à extraire et révéler une couche poétique inhérente aux caractéristiques industrielles omniprésentes en ce bassin péri-urbain. Et c'est bien ici un axe fort du
projet du CAP, invitant un artiste pour donner une nouvelle lecture d'un site au travers notamment du paysage sonore. Un environnement construit autour d'infrastructures pétro-chimiques, avec
leur rigueur architecturale fonctionnelle, voire leur anti-poésie apparente, pourrait t-il se révéler comme une source d'imaginaire poético-chimique, comme un site à rêver de nouveaux
espaces sensoriels. Intéressante problématique proposée à l'artiste face à un environnement a priori plutôt ingrat.
Deux axes sont exploités par Pascal Broccolich pour répondre à cette problématique, correspondant d'ailleurs à des pratiques
que l'artiste affectionne tout particulièrement.
Micropure - Pascal Broccolichi
Le premier relève du graphisme, avec une série de dessins, Micropure, mettant en scène des objets imaginaires producteurs, générateurs de sons, des sirènes par exemple. Ces illustrations épurées, sur des fonds plutôt neutres, noirs, nous emmènent dans de surprenants paysages où le son est suggéré par les objets, dans une atmosphère nocturne relevant presque de la science-fiction. Une autre série de dessins, de plus grands formats, nommés Aliasing, prennent appui sur des défauts numériques dus à de mauvais traitements d'images qui produisent des effets de crénelages. L'artiste reprend à son compte ces défauts, comme une matière à retravailler, produisant ainsi, après un minutieux travail de recomposition couche après couche, le sentiment d'ondes, de vibrations diffuses, se propageant dans d'obscures atmosphères. Le noir est toujours ici la couleur dominante.
Aliasing - Pascal Broccolichi
D'ailleurs, l'espace de monstration et entièrement noir, du sol aux murs, les lumières mêmes ayant été tamisées de
gris.
Il semble que le fait de plonger le lieu dans une quasi obscurité soit un désir pour l'artiste de se couper du monde
extérieur. Le centre d'art débouche en effet sur une falaise dominant directement la vallée de la chimie, avec ses étendues d'usines, de cheminées... Il fallait donc ne pas trop entrer dans une
narration du paysage au premier degré, trop descriptive, trop anecdotique, collée de près au réel qui s'offre à nous lorsque nous sortons de l'exposition. Le noir est donc une sorte de filtre
décontextualisant l'intérieur, l'œuvre, de l'extérieur, avec son environnement bien réel dans une sorte d'exaspération industrielle.
Quand au son, il est le résultat de plusieurs captations effectuées dans différents complexes industriels. Certains sont
proviennent d'usines désaffectées, où seule la résonance acoustique du lieu est captée. On perçoit ça et là des cliquetis mécaniques, des sifflement ténus de jets de vapeur, des ronronnements de
ventilations, de moteurs. Mais là encore, cette ambiance sonore n'est absolument pas la retranscription auditive des lieux. Plutôt une impression, des images fugaces, des sortes de traînées
oniriques qui rappellent le contexte industriel sans le peindre de façon réaliste. Les sons sons bruts, sans grands effets ajoutés, mais leur montage finement ciselé les rends quasiment
fantômatiques, comme une brume persistante d'où émergent parfois quelques incidences sonores. Certains passages, toute proportion gardée quand au discours et à la scénographie, rappellent les
drônes de la Monte Young, le noir se substituant ici au psychédélisme coloré de vert ou de rose...
Cette ouvre in situ, de par ses dessins et sons, plonge le spectateur-auditeur dans une immersion très prenante. On pourrait,
l'actualité aidant, se sentir quelque peu oppressé, notamment par une emprise sonore où des matières indistinctes se propageraient, nous submergeraient, s'infiltreraient en nous. Mais sans doute
est-ce là une résonance personnelle d'une écologie contemporaine mise à mal, que d'autres visiteurs ne ressentiront pas, et que l'artiste n'a sans doute pas imaginé une seule seconde.
Toujours est-il que cette exposition mérite de s'y plonger, du regard et de l'oreille, pour (res)sentir cette vallée de la
chimie avec la perception d'un artiste apportant sa vision neuve, extérieure, et poétiquement décalée des sites industriels environnants.