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Transactions financières : l’Europe persiste et taxe

Publié le 17 mars 2011 par Lecriducontribuable
Angela Merkel et Nicolas Sarkozy

Les députés européens ont entériné l’idée de taxe sur les transactions financières. Le retour de la fameuse taxe Tobin, que le couple franco-allemand a réussi à faire accepter à ses partenaires européens.

Par 360 voix contre 299, le Parlement a adopté mardi 15 mars l’amendement soutenu par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel. Il faut dire que le texte n’engage pas loin : «Le Parlement européen recommande la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, qui améliorerait le fonctionnement du marché en réduisant la spéculation et en contribuant à financer les biens publics mondiaux et à diminuer les déficits publics».

Une déclaration de principe donc. D’autant que les tenants de cette nouvelle taxe sont catégoriques : elle n’est applicable qu’au niveau mondial. Reste donc à convaincre les Etats-Unis, la Russie, la Chine, l’Australie, autant de puissances qui se sont déclarées hostiles à un nouveau carcan fiscal sur les marchés financiers. Sarkozy s’efforcera de les convaincre : le succès de sa présidence du G8 et du G20 en dépend.

Un amendement pour le principe

De même avec le FMI, où Dominique Strauss-Kahn a déjà fait connaître son opposition : le socialiste lui-même juge la taxe inapplicable : les spéculateurs ont les moyens de la contourner tandis qu’elle se reporterait sur les consommateurs. Il lui préfère la mise en place d’un système d’assurance bancaire censé amortir les pertes en cas de coup dur. Une sorte de fonds de stabilité interbancaire mondial qui lui paraît plus réaliste. Même scepticisme à la BCE : « Nous vous déconseillons de vous lancer dans une telle aventure, même si on mettait en place une taxe au niveau mondial » a prévenu son président Jean-Claude Trichet, qui parle d’une idée séduisante au premier abord, mais qui n’aboutirait qu’à déplacer l’activité financière au détriment de l’Union européenne. Successeur de la France à la tête du G20 en 2012, le Mexique est tout aussi peu enthousiaste.

Un échec en pratique

Il faut dire que la nouvelle croisade fiscale des eurodéputés se heurte à la réalité pratique. Car le Parlement européen n’invente rien, le principe de la taxe Tobin a déjà été mis en place dans de nombreux pays. La Suède, exemple le plus connu, l’a adoptée en 1987, avant de constater que près de la moitié des courtiers avaient fui pour s’installer à Londres. Les recettes étaient cent fois moins élevées que prévues. La taxe fut retirée. La Suisse a connu exactement le même phénomène et supprimé sa taxe en 1993. Le Royaume-Uni, lui, avait élargi en 1986 son antique loi sur le timbre aux échanges boursiers, créant la Stamp Duty Reserve Tax : depuis, les études de Saporta et Kan (1997)ont montré qu’un changement du taux – actuellement de 0,5% – n’a pas d’incidence sur le volume des échanges. Donc pas d’efficacité.

«Taxe de responsabilité»

Peu de résultats politiques, mais beaucoup de risques financiers donc. Aux Etats-Unis, le président Barack Obama avait annoncé, le 14 janvier 2010, la création d’une « taxe de responsabilité » sur le secteur financier. Objectif : rembourser la perte nette, pour l’Etat américain, du programme de soutien aux banques, dénommé TARP (Troubled Assets Relief Program). A ce jour, ce projet n’a pas connu d’avancée significative, et ce en dépit de l’enthousiasme affiché de la City de Londres pour le projet, trop heureuse de la perspective d’attirer à elle les capitaux qui chercheraient inévitablement à y échapper.

Les 600 milliards de dollars de recettes annuelles qu’attendent les partisans de la taxe Tobin risquent donc de se faire attendre. A moins que l’Europe, faute de consensus mondial, ne décide de l’instaurer seule. Un joli cadeau fait à New York, Hong-Kong et Singapour, qui lui en sauront gré. A défaut de soutenir notre économie, nous pouvons toujours relancer celle des autres.

Michael Legrand

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