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Ridiculous sublimous details (3)

Publié le 17 mars 2011 par Hongkongfoufou

Par Hong Kong Fou-Fou

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Je rentre d'une petite semaine au ski. C'était très bien, je vous remercie. Beau soleil, neige parfaite. Remarquez, mes connaissances en matière de neige sont limitées. Je ne vais pas vous analyser la poudreuse comme Zitrone analysait le terrain d'un champ de courses. En tout cas, ce séjour à la montagne m'a fait prendre conscience d'une chose : je ne suis vraiment pas en phase avec mon époque (oui, vous l'aviez compris avant moi), je vois la vie à travers un prisme déformant qui me plonge 50 ans en arrière, mon cerveau est rempli d'images tirées de films, de BD, de bouquins, qui faussent un peu ma perception du réel.

Par exemple, pour moi, les sports d'hiver, c'est la rencontre entre Audrey Hepburn et Cary Grant au début de Charade, c'est Georges Lazenby dévalant à ski les pentes vertigineuses du Pitz Gloria, poursuivi par les sbires de Blofeld dans Au service secret de Sa Majesté, c'est encore David Niven pourchassant en traîneau l'agresseur de Claudia Cardinale dans les rues de Cortina d'Ampezzo dans La panthère rose.

Un mélange de sport et de classe. La classe de neige, quoi.

Imaginez alors qu'elle a été ma surprise quand je me suis trouvé immergé dans une station de ski en 2011. Pour le sport, je ne dis pas. Ca commence pour trouver une place sur le parking, d'ailleurs. Mais pour la classe, ça sent le redoublement. Déjà, l'arrivée au pied des pistes m'a laissé dans le désarroi le plus total : des hauts parleurs diffusaient de la musique à tue-tête, on se serait cru dans un grand magasin, il ne manquait que les annonces pour inviter le client à acheter deux tubes de dentifrice pour le prix d'un seul. Et quelle musique... Un florilège des tubes des années 70 et 80. Je suis désolé mais "Alexandrie Alexandra", ça me tétanise, même le chasse-neige je n'y arrive plus. Sinon, proximité de l'Espagne oblige, on a aussi eu droit à du rap espagnol. Autant je peux apprécier du hip hop British, façon The Streets ou Dan the Sac, autant du rap espagnol, non. Pourquoi pas du flamenco suédois, tiens ?

Après mon ouïe, c'est ma vue qui a été agressée. Par le look des skieurs. Certains ont un équipement d'une technicité telle qu'on les imaginerait s'embarquer dans une navette pour Mars plutôt qu'aller prendre le tire-fesses. D'autres ressemblent à des personnages sortis d'un jeu vidéo à la SWAT. Ils ne sont pas là pour skier, impossible. Ils sont là pour abattre les terroristes qui ont tenté de détourner le télésiège.

D'autres encore ont opté pour des tenues dont les couleurs ficheraient la nausée à un cacatoès. Pourquoi coordonner sa tenue quand le spectre chromatique est si riche ? Il y en a même qui se déguisent. Si vous croisez le Yéti, attendez un peu avant d'alerter la gendarmerie de montagne. Vers midi, vous risquez de le retrouver en train de siffler un demi en terrasse, en compagnie de Dark Vador ou Spiderman. Les capes, les bonnets à pointes façon virus du sida, les bandanas ont aussi la cote. J'ai vu un gars avec des branches de sapin accrochées à son casque. Je crois malheureusement que c'était volontaire, et pas la conséquence d'un flirt poussé avec un arbre lors d'une descente hasardeuse.

Je ne parle même pas des surfeurs. Moi qui suis un adepte des coupes ajustées, je ne peux pas comprendre

lazenby ski
des types avec des falzars dans lesquels on peut habiter à plusieurs. En plus, ils ne glissent pas, ils rident. Je suis sûr qu'à 17h à la fermeture de la station, ils ne vont pas boire un vin chaud, mais un hot wine.

J'ai aussi une question. Pourquoi, lorsqu'on est tranquillement installé sur la banquette du télésiège, surplombant les sapins enneigés dans un silence quasi total, juste troublé par le crissement des skis en contrebas, il y a toujours un crétin devant ou derrière qui se met à chanter à tue-tête "Quand te reverrai-je, pays merveilleux..." ? Pfff, pour moi le ski, c'est James Bond, lui me sert du Jean-Claude Dusse...

Hein, pardon, qu'est-ce que vous dites ? Ne sois pas bégueule, tout ça, c'est pour le fun ? Mmmouais, je sais bien que le fun justifie les moyens, mais tout de même... Oubliez les tenues de ski à coutures thermosoudées et qui se gonflent pour améliorer l'isolation, les vestes avec navigation GPS intégrée avec écran sur la manche (c'est bon pour se casser la gueule et ça ne sert à rien, vous ne risquez pas de vous perdre, y a qu'à suivre la pente), les casques avec caméra intégrée (tout le monde s'en fiche, de la diffusion de vos exploits sur youtube), les sacs-à-dos sur lesquels vous pouvez brancher votre Ipod (c'est inutile, on vous dit qu'on passe "Alexandrie Alexandra" en bas des pistes et en haut il y a le couillon qui chante "Quand te reverrai-je"). Ressortez votre anorak Killy, votre fuseau Fusalp ou votre knicker Mossant. Troquez vos skis en polyéthylène contre des Allais 60, votre masque Scott contre des lunettes Vuarnet. D'accord, vous aurez froid, vous vous casserez peut-être même quelque chose. Mais honnêtement, ça ne vaut pas le coup de sacrifier un peu de confort pour un peu d'élégance ? Ne serait-ce que pour sortir du lot ?

Vivement cet été, mes prochaines vacances, j'irai les passer dans un camp naturiste, là au moins, pas de mauvaises surprises à redouter. Ca n'a pas dû trop changer depuis que Cruchot les pourchassait du côté de Saint-Tropez. Pour ce qui est de sortir du lot, par contre, je n'aurais pas l'outrecuidance de m'avancer...


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