En janvier, le peuple tunisien a mis un terme à des décennies de dictature ; puis ce fut l’Egypte ; le peuple de Libye s’affronte au régime de Kadhafi, et des mouvements sociaux importants ont lieu aussi en Algérie, au Maroc, en Iran, au Yémen, au Bahreïn, en Syrie, en Jordanie … Les peuples se soulèvent, rejetant des régimes qui violent leurs droits fondamentaux, les exploitent, s’engraissent sur leur dos, tout en organisant une corruption généralisée.
Des peuples opprimés sous le regard complice des puissances occidentales
De tels régimes se sont maintenus au pouvoir des dizaines d’années, voire un demi-siècle ; la communauté internationale, en particulier les États européens et les Etats-Unis, s’en est accommodée ou pire, les a soutenus.
L’alibi du pseudo « rempart contre l’islamisme » a souvent été mis en avant. Le fait que le dictateur Ben Ali soit recueilli par un des régimes islamistes les plus réactionnaires (Arabie Saoudite) montre le mensonge … De toutes les façons, en quoi cela justifie-t-il la situation faite à ces peuples ? Puisqu’en réalité, les puissances occidentales ont permis le maintien au pouvoir de ces dictateurs uniquement pour des intérêts économiques et géopolitiques.
Les petits arrangements « entre amis » ont permis aux dirigeants de ces régimes de se bâtir une fortune personnelle et aux puissances occidentales de déposséder les peuples de leurs ressources naturelles (gaz et pétrole), de profiter d’une main d’œuvre bon marché et surexploitée, d’enrichir leurs industries par la vente de matériels de guerre et de « maintien de l’ordre », d’obtenir une assise pour le contrôle de l’exploitation du pétrole et pour le contrôle de certains pays (Iran, Irak et Palestine) dans la région du Moyen-Orient.
Le gouvernement français a été en pointe dans l’ignominie, à l’exemple de la tente de Kadhafi installée dans les jardins de l’Élysée, ou de la ministre des Affaires étrangères proposant à Ben Ali le « savoir-faire policier français » pour réprimer la révolte du peuple tunisien… Quels hypocrites aussi tous ces « responsables », toutes ces institutions, qui semblent ne découvrir les fortunes invraisemblables des dictateurs … qu’à partir du moment où ils ne sont plus au pouvoir !
De la révolte à la révolution sociale…
Les victoires d’aujourd’hui ne viennent pas de rien, elles sont le fruit des luttes sociales d’hier conduites par des syndicalistes, des travailleurs/ses qui s’organisent de manière autonome ; les médias préfèrent parler du rôle d’Internet de Facebook, mais l’organisation collective des travailleurs/ses, construite durant des années face à la répression et grâce aux soutiens internationaux est un élément déterminant ; ainsi :
* en Tunisie, la révolte ouvrière du bassin minier de Gafsa en 2008, pour la revalorisation des salaires et l’amélioration des conditions de travail a été un tournant décisif. Les réseaux de résistance construits durant des années par de nombreux/ses syndicalistes de l’UGTT ont été au cœur des semaines historiques de janvier 2011. Ces militant-e-s ont montré que le syndicalisme, ce n’était pas la direction de l’UGTT totalement asservie au pouvoir depuis des années !
* en Égypte, grèves et manifestations se sont succédé depuis une dizaine d’années ; des syndicats autonomes ont été créés et ont mené des luttes victorieuses.
En Algérie, des syndicats autonomes agissent au quotidien contre la corruption et la pression sur les salaires qui frappent de plein fouet les travailleurs/ses. Les combats livrés par tous ces syndicalistes, depuis de nombreuses années et malgré la répression extrêmement violente, ont laissé une empreinte durable dans l’esprit des populations. Ils ont fini par convaincre les peuples de ces pays, excédés par l’absence de perspectives d’avenir et par les inégalités sociales, de se soulever et de mener leurs luttes pour la conquête de leurs libertés et de leurs droits.
Syndicats autonomes d’Égypte et d’Algérie, syndicalistes oppositionnels de Tunisie, syndicats de lutte au Maroc, en Iran ou Irak, … l’Union syndicale Solidaires est en relation avec ces forces syndicales depuis des années. Nous les soutenons autant que possible, et sommes intervenus souvent pour éviter ou limiter la répression…
Les jeunes, les femmes jouent un rôle important dans l’émancipation
La place des jeunes dans les mouvements est une donnée majeure ; tout comme celle des femmes.
En Tunisie, en Égypte, ce qui se joue maintenant c’est le refus de voir le mouvement d’émancipation confisqué par des survivant-e-s de l’ancien pouvoir ou par des mouvements politiques ou religieux qui veulent juste prendre la place.
Partout, les peuples réclament un changement social et remettent en cause leur exploitation ; il ne s’agit pas seulement de changer les ministres.
Les faits bafouent les sempiternelles analyses des « spécialistes » qui ne cessent d’annoncer la fin du politique, l’impossibilité de changer l’ordre des choses. Ce qui se passe dans cette zone du monde est porteur d’espoirs pour tous !
La lutte continue
Malgré la chute de Ben Ali et de Moubarak, les gouvernements dits « de transition » comptent encore dans leur rang des bourreaux d’hier… Alors, la lutte continue en Tunisie et en Égypte ; la population refuse de se voir confisquer sa révolution, manifeste pour que soient appliquées ses revendications légitimes pour un véritable changement social et démocratique. La pression de la rue permet de gagner : ainsi, le premier ministre tunisien du gouvernement de transition a donné sa démission. Le peuple ne baisse pas les bras, il continue à protester et à résister, malgré les arrestations et les menaces, malgré une répression sanglante (comme en Libye, plus de 2000 morts).
Rien ni personne ne pourra les empêcher d’aller au bout de leur lutte pour leurs droits et pour la démocratie. L’union Syndicale Solidaires salue le courageux combat de tous les syndicalistes et militant-e-s des droits de l’homme qui ont pris et prennent encore une part active dans ces luttes.
Elle apporte son soutien et sa solidarité aux peuples dans leur combat pour la justice, la redistribution des richesses et la liberté.
Extraits d’un appel unitaire signé par l’Union syndicale Solidaires
… La situation s’aggrave de jour en jour en Libye et à ses frontières. En Tunisie, où affluent des dizaines de milliers de réfugiés, le dispositif est saturé, malgré les efforts déployés par les autorités locales. L’Europe ne peut pas continuer à faire comme si elle n’était pas concernée par le sort des dizaines ou centaines de milliers de personnes qui ont besoin de protection dans les pays actuellement troublés, ni par celui des migrant-e-s, originaires de divers autres pays arabes, africains, asiatiques, qui y résident. Il n’y a pas si longtemps, l’Europe se targuait de déployer « une politique euro-méditerranéenne ». Cette ambition aurait-elle volé en éclat, au moment même où plusieurs des nations potentiellement partenaires de cette « Euro-Méditerranée » sont en voie de devenir des démocraties ?
Nous en appelons solennellement à tous les gouvernements européens, aux instances de l’UE, à tous les partis politiques pour que soient prises, en concertation avec les partenaires du pourtour méditerranéen, les mesures qui s’imposent d’urgence :
- mettre à disposition des avions pour permettre le rapatriement non seulement des nationaux des pays européens mais de tous ceux qui peuvent et veulent rentrer dans leur pays, tels les Égyptiens qui sont actuellement en Tunisie ;
- permettre l’évacuation par air ou par mer, à partir des portions de territoire libyen qui ne sont plus aux mains de Kadhafi, des étrangers bloqués en Libye et dont leurs gouvernements sont dans l’incapacité de les évacuer ;
- prévoir l’accueil, sur le territoire européen, des réfugiés qui ne peuvent rentrer dans leurs pays ;
- mettre en œuvre sans plus attendre le dispositif permettant d’accorder la protection temporaire à tous ceux qui, dans la situation d’urgence où nous sommes, peuvent légitimement s’en prévaloir ;
- mettre un terme aux patrouilles qui empêchent l’arrivée des réfugiés par mer.
Il faut cesser de nourrir la peur des populations européennes en brandissant systématiquement le spectre de l’ « invasion ». Il faut cesser de considérer comme une priorité d’empêcher l’émigration en provenance de territoires troublés. Nous refusons cet égoïsme criminel. Nous voulons une Europe de la solidarité et de l’accueil.
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L’Union syndicale Solidaires :