« D’incidents en accidents, de catastrophes en cataclysmes, la vie quotidienne devient un kaléidoscope où nous affrontons sans cesse ce qui vient, ce qui survient inopinément, pour ainsi dire ex abrupto… » La pensée du philosophe Paul Virilio, qui analyse avec une acuité de visionnaire les phénomènes liés à l’accélération du temps et la vitesse en général, s’impose aujourd’hui à nous à la lueur de ce qu’il appellerait « l’accident majeur » et qui se déroule sous nos yeux au Japon. Conservateur d’un musée imaginaire des Accidents, il a été le commissaire de l’exposition « Ce qui arrive » à la Fondation Cartier en 2003.
Parmi les artistes que Paul Virilio, ce partisan d’une « conscience de la science » avait choisi d’exposer, le réalisateur américain Bruce Conner (1933-2008), pionnier du cinéma expérimental. En 1958, ce dernier avait réalisé un film intitulé « A movie », à nouveau projeté au Centre Pompidou en novembre dernier comme un signe prémonitoire... En 12 minutes, Bruce Corner entreprend, sur un mode tragicomique, de traverser plus de la moitié du XXe siècle, son procédé chaotique coïncidant parfaitement avec les cataclysmes de l'histoire. En inventoriant de manière aussi concise que spectaculaire le potentiel de dévastation de l'humanité, l’artiste rejoint le philosophe pour qui, ainsi qu’il le dit sur le site de Sciences et Avenir, notre époque « mériterait une intelligence scientifique et politique pour la penser, intelligence qui fait défaut. »
Photo : Bruce Corner
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