En avril 2007, un an après l’inauguration (31 mars 2006) du site de poker en ligne de Svenska Spel, le gouvernement suédois a commandé un suivi d’implantation. Le comité a produit son rapport (SOU2008:36) en mars 2008. Parmi les documents produits en annexe, il y a une étude du psychologue Jakob Jonsson qui s’est intéressé à la capacité de Svenska Spel de canaliser la dépense au jeu. La figure 1, à la page 130, procure des informations révélatrices.
Neuf mois après l’implantation, la probabilité de rapatrier complètement un joueur s’exerçant sur des sites étrangers était approximativement égale à celle de perdre complètement un client initié par Svenska Spel. Environ un an plus tard, cette probabilité de perdre un joueur était le double de celle d’en rapatrier un. Si l’inauguration du site de Svenska Spel a été un « overnight success », la capacité de canalisation semble s’être rapidement inversée.
En décembre 2007, au moment de réaliser son étude avec 2000 joueurs de poker en ligne, Jakob Jonnson bénéficiait déjà de deux études pilotes réalisées avec 500 (novembre 2006) et 1000 (mars 2007) participants.
Durant la première étude pilote (voir figure 1A, ci-après), 500 participants ont indiqué comment ils s’étaient initiés au poker en ligne. De ce nombre, 424 (84,8%) ont indiqué avoir commencé à jouer en ligne sur des sites internationaux (illégaux) de poker. Conséquemment, 76 joueurs (15,2%) avaient découvert le poker en ligne seulement lorsqu’ils se sont inscrits sur le site de Svenska Spel.
Après cette période d’initiation, les participants ont indiqué où, en novembre 2006, ils en étaient rendus. Des 76 participants qui se sont initiés sur le site de Svenska Spel, 54 (71,4%) ne jouent que sur le site de Svenska Spel. Par contre, 11 (14,3%) ont complètement abandonné Svenska Spel pour jouer exclusivement sur les sites internationaux. Onze autres participants (14,3%) partagent leur temps de jeu entre Svenska Spel et les sites internationaux. L’étude ne précise cependant pas la répartition de la dépense entre ces deux options. La probabilité de perdre complètement un joueur, initié par Svenska Spel, était ainsi de 14,3%.
À l’inverse, 43 (10,3%) des 424 joueurs, qui se sont initiés à l’international, ont abandonné les sites internationaux pour ne jouer dorénavant que sur le site de Svenska Spel. La partie C de la figure 1A révèle un enjambement des intervalles de confiance de ces pourcentages. À toutes fins pratiques, pour Svenska Spel, la probabilité de rapatrier un joueur (10,3%) était approximativement égale à celle de perdre un joueur initié par Svenska Spel (14,3%).
Durant la seconde étude pilote (voir figure 1B, ci-après), 1000 participants ont été interrogés un an après l’inauguration du site de Svenska Spel, donc 4 mois après la première étude pilote. On constate alors que la probabilité de perdre complètement un client (30,8%) est environ deux fois et demie plus élevée que la probabilité de rapatrier complètement un client des sites internationaux (12,1%). Cette différence est d’autant plus significative qu’il n’existe aucun enjambement des intervalles de confiance. Si la capacité de rapatrier un joueur des sites étrangers s’est maintenue, celle de perdre des joueurs initiés par Svenska Spel a doublé.
Neuf mois plus tard, Jakob Jonsson réalise, avec 2000 participants, une réplication des études pilotes (voir figure 1C, ci-après). Près de deux ans après l’implantation, ses résultats sont quasi identiques à deux du suivi d’un an. La probabilité de perdre complètement un client (28,6%) est environ le double de celle de rapatrier complètement un joueur des sites étrangers (15,4%).
Dans la mesure où la proportion des joueurs de poker en ligne, initiés par Svenska Spel, a augmenté continuellement depuis l’inauguration, ces données indiquent qu’il est vraisemblable que, à long terme, Svenska Spel va apporter davantage de nouveaux clients aux sites internationaux que l’inverse. Malheureusement, le gouvernement suédois n’a pas continué le suivi du poker en ligne.