Canal + a fort bien survendu le documentaire "Un an avec DSK", qui s’est révélé un faux événement médiatique. Dans les jours précédant la diffusion, les amis de « Dominique » ont fait croire, en termes alambiqués, qu’on saurait enfin si le directeur général du FMI était candidat aux présidentielles. Rien du tout. Au finish, le sphynx a répondu qu’« aujourd’hui, quoique je puisse avoir dans mon esprit, je le garde pour moi »… L’impression d’être matraqué par la langue de bois quand ses conseillers chargés d’interpréter les signes et les silences, expliquent, pour la énième fois, que "la décision lui appartient". Supposons que ces 52 minutes et un an passé avec DSK signifient, en creux, par effet elliptique, qu’il est dans la course.
En tous les cas, c’était tout miel : DSK est un bonhomme formidable, Anne Sinclair une femme et épouse admirable. Lui jouant au foot avec les petits enfants de Soweto, plaisantant avec les jeunes étudiantes sud coréennes, impérial dans les réunions du G20, blaguant en aparté avec Bill Clinton, aimé par le personnel : compétence, énergie, dimension mondiale et humaine, grands dossiers. Dominique et Anne en leur cuisine. Le "haut fonctionnaire français vivant à Washington" est humble et convivial : il fait griller des steaks, saupoudrés d’herbes, avec un rassurant grand bol de salade. Il aime la viande bleue, ce qui est un bon signe.DSK en Grèce est courageux - et assez compréhensif et proche du peuple pour ne pas s’offusquer de voir son épouvantail pendu par la foule. "Leur colère est légitime. C’est inévitable qu’ils nous en veulent même si on n’y est pour rien". L’Europe brûle, il faut "calmer le jeu". Le bon sens près de chez vous. Calme. Raison. Plus hardi, il parle de "faire payer les riches". Volontaire, offensif. Une vie de chef d’Etat ? Forcément, il est modeste, il a une vie de voyageur de commerce : il a appris à défroisser son complet, en le suspendant dans la cabine de douche. Simple, astucieux, économique.
Je veux bien croire que DSK est ainsi, et qu’il a la fibre sociale même si sa fonction lui interdit de se situer clairement à gauche, et d’expliquer ce qu’il entend par gauche. Il n’empêche que ce documentaire (qualifié de « très beau » par le JDD...) est pire que de la propagande : c’est un film de publicité DSK joliment réalisé. Ce n’est pas que Nicolas Escoulan est complaisant, non, c’est juste la loi du genre médiatique. D’ailleurs, les amis de DSK l’idolâtrent ; ils boivent ses paroles sans perdre le sourire. On voit Stephen Fouks à ses côtés, le fameux spin doctor français, patron de Euro RSCG. Est-il là à titre professionnel ou de supporter ? Les deux. Qui rétribue les services de ce prince du bon mot au bon moment au bon endroit ? Bonhomme, il l’est, Dominique, comme monsieur Plus et l’oncle Ben. On apprend que lors de ses déplacements, le DG du FMI emmène toujours dans ses bagages un journaliste français (aux frais du journal, j’ose supposer). En Corée du sud, c’était « Paris Match ». Quatre pages, efficace.
Ce trop cousu de fil blanc médiatique me gêne. L’homme semble si soucieux de communication par l’image que le fond nous échappe. Qu’est-ce qui le révolte ? Qu’est-ce qu’aller un peu au-delà du raisonnable ? Qu’est ce qui est un peu mieux que possible et qui n’est pas demander l’impossible ? J’ai surtout retenu l’importance de l’omniprésent téléphone portable, l’oreillette des puissants.