Par Julie Cadilhac- Bscnews.fr/ Intendance saison I est une pièce plaisante en tous points. On y rit de bon coeur presqu'autant qu'on y est touché par l'exactitude des personnages qui défilent, s'étirent et s'étiolent sur la toile des rêves made in U.S.A.
Trois lieux sur le plateau : Bagdad, d'abord, où des soldats américains tentent de résister à la morosité et la peur qui les ronge, Springfield dans l'Utah ensuite ,où la fiancée d'un de ces soldats en Irak, Jenny, aspire à être actrice à Hollywood et se console dans les bras d'un Bill vain, Hollywood, pour finir, où se tourne la série "Des combattants pour la liberté" (sup)portée par un acteur minable et un réalisateur dépressif.
Le texte de Rémi de Vos nous parle d'un monde artificiel et vide où la télévision édulcore la réalité. Manipulés par les informations que crachent en permanence les écrans, les êtres s'y complaisent pourtant et on a l'impression qu'ils préfèrent rester dans le confort de l'aveuglement. Le plateau est ainsi plongé dans une douce folie, illusion maligne aux multiples visages: la bêtise candide, la foi extrémiste, la résignation sourde, l'ivresse maladive, l'imitation rassurante. Personne, manipulateur ou manipulé, n'échappe à la névrose générale mais la gravité des situations dépeintes devient légère parce qu'on y refuse le pathos . En effet, si tous les êtres sont au bord de l'implosion, ils conservent l'instinct de l'image et le sourire reste une valeur refuge.
On applaudira en vrac: le jeu des comédiens d'une grande justesse; de la dévote provinciale aux prises avec un crise de mysticisme aïgue à la secrétaire du réalisateur excédée ou passionnée par la lecture de Shakespeare, des voyous érudits à la barbie anorexique aux ambitions hollywoodiennes, du Fonzie faussement charitable au pitoyable acteur de série narcissique, de la naïve maîtresse en tenue sexy de statue de la liberté au soldat au front qui a perdu ses idéaux patriotiques, le plateau déborde de personnalités délicieuses qui butinent, colorent, envahissent parfois complètement la scène et disparaissent en une volée de pas. Les costumes, qui évitent le cliché en ajoutant systématiquement une touche décalée , se posent et se superposent pour permettre aux comédiens d'endosser avec rapidité plusieurs rôles. L'utilisation bien orchestrée de murs mouvants qui offre au regard des perspectives pleines de sens. Les projections " Pop Art " qui adoucissent la cruauté des situations, plus "digestes" avec des couleurs chatoyantes(.... bravo aux mouches que comptent en vain l'Idiote ou encore aux yeux joueurs qui encadrent "Johnny à la guerre" )
Pour ne pas (trop) gâcher les effets de comique de la pièce, nous nous contenterons de dire enfin que les scènes de tournage de "Combattants pour la liberté" sont d'une grande drôlerie à ne pas manquer!
Assurément, Intendance Saison I est portée par de belles idées qu'elle démontre avec autant de simplicité que d'humour. Critique acerbe de la société contemporaine et ses dérives extirpées du modèle américain, elle nous amène à réfléchir sur nos actes et nos comportements. Alors, si, assurément, à l'heure des restrictions budgétaires et du mirage des subventions culturelles, il faut être téméraire pour oser monter une pièce avec 15 comédiens, une vision du monde est là, forte par son évidence. A celui qui demanderait, sceptique sur le réalisme du projet, " Mais l'Intendance?" ,on aurait raison de répondre, en empruntant les mots du Général De Gaulle: "L'intendance suivra!". Vous verrez! Cette pièce est promise à une belle aventure théâtrale!
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Titre: Intendance saison I
Auteur: Rémi de Vos
Metteur en scène: Gilbert Rouvière
Avec Eléonor Baly, Elodie Buisson, Frédéric Largier, Frédéric André, Gabriel Rouvière, Grégory Auzuech, Josée Drevon, Lou Martin-Frénet, Maelle Mietton, Richard Mitou, Sabine Moindrot, Sylvere Santin, Thomas Bédécarrats, Valérie Gasse, Gilbert Rouvière.
Les 15,16,17,18 mars au Théâtre Jean Vilar, Montpellier ( 34).
Réservations au: 04.67.40.41.39