Commençons donc par notre propre défilé, avec la sympathique école de São Clemente, qui a rejoint le Grupo Especial cette année seulement. Bien entendu, ses moyens et ses ambitions ne sont pas ceux des divas du Sambodrome, les Beija-Flor, Unidos da Tijuca, Salgueiro ou Mangueira, mais l'école compense avec une proximité et une simplicité qui fait du bien, après les difficultés que nous avons connu l'année dernière lors du défilé avec la traditionnelle mais impersonnelle Imperatriz.
Concentration à 20h près de l'immeuble qui répond au doux nom de "Balança mas não cai" ("il se balance mais il ne tombe pas", c'est dire la sécurité du lieu ;), en compagnie de nos amis et compagnons de défilé Dominique et Olivier, premières photos et premiers préparatifs, tout enfiévrés que nous sommes ! Et puis le samba-enredo de l'école débute ("Sou Carioca e São Clemente..."), et nous voici partis, entamant quelques pas ressemblant de loin à de la samba no pé, mais l'énergie et la volonté sont présentes ! L'entrée dans l'avenida est toujours aussi impressionnante, et 40 minutes après, l'odyssée s'achève, heureux et suants, la gorge sèche à force de suer et de chanter à tue-tête l'hymne clementino. C'est déjà le moment de la "dispersion", au pied de l'arche de l'Apoteose, et nous nous changeons rapidement avant de traverser les secteurs du Sambodrome (où les rencontres sont souvent cocasses) et monter enfin dans les arquibancadas pour assister à la suite du spectacle qui s'annonce grandiose.
Si on n'est pas beaux !...
Hum ! Une guêpe...imposante :)
Ci-dessous le défilé de São Clemente, filmé par la TV brésilienne (la seule vidéo "non originale" !). Notre ala (littéralement, "aile", ou "section") arrive a 5'20" ! Je ne m'y suis pas vu, mais j'y étais bien, je vous le promets !Et nous voici installés dans les travées du secteur 5, pour suivre 8 heures durant (fin effective à 6h15 du mat' !) les 5 autres écoles qui défilent en ce beau dimanche de Carnaval :
- Imperatriz : enredo faible, chars moyens, innovation zéro, passons...;
- Portela : costumes superbes -malgré le feu qui a ravagé voici un mois la Cidade do Samba, brûlant la majorité des fantasias de l'école la plus titrée de l'histoire, chars magnifiques, mais bateria souffreteuse et enredo moyen-moins) ;
- Unidos da Tijuca : énorme claque de nouveau, le carnavalesco Paulo Barros s'est surpassé avec un enredo canon (le meilleur de tous avec celui de Mangueira) autour du thème de la "Peur au Cinéma", une comissão da frente exceptionnelle -comme d'habitude, des fantasias originales, des chars incroyables, des animations divertissantes et surprenantes (le requin de "Jaws" en plein Sapucai, Indiana Jones à l'arrache...), bref un spectacle vivant prodigieux, qui mérite d'évidence le titre, même si la bateria de Unidos ne parvient pas à se mettre au diapason et reste LE point faible des Tijucanos ;
- Vila Isabel : belle production, jolie explosion de couleurs, le reine Gisele Bundchen en superstar sur le dernier char, défilé "clean" mais trop académique à mon goût ;
- Mangueira : l'école la plus populaire de Rio me déçoit, avec un défilé un peu bordélique, des carros alegoricos et des fantasias moyens et définitivement trop axés rose et vert (les couleurs de Mangueira). Le retour de Beth Carvalho sur un char mangueirense après 5 ans de fâcherie, et plus encore la magnifique prestation de la bateria de l'école ne suffisent pas à combler la faiblesse générale de l'ensemble.
Et allez, pour vous illustrer tout cela, un petit best-of des meilleures photos que j'ai pu prendre, et surtout quelques vidéos assez chouettes, en particulier de la fantastique prestation de Unidos da Tijuca.
Un char d'Imperatriz : bof...
Le bel aigle de Portela
Avatar selon Unidos da Tijuca
Harry Potter par Unidos
Jaws !
Vila Isabel et ses éléphants
Une rainha de Vila Isabel...plutôt musculeuse !
Gisele et la Vila
Défilé de Vila Isabel
Mangueira...en rose et vert
Lundi, deuxième journée des défilés des écoles du Grupo Especial. D'après les échos, belles prestations de Salgueiro (mais avec un défilé qui s'est terminé hors délais, pas bon...), de União da Ilha (malgré les dommages subis par l'incendie à la Cidade do Samba) et de Beija-Flor, avec un thème facile (la célébration des 50 ans de carrière du rei de la MPB, Roberto Carlos, le chanteur brésilien le plus populaire du pays). Pas de souci à se faire pour Unidos, néanmoins...
Et puis, mercredi, apuration des votes du jury...et consternation ! Beija-Flor vainqueur, avec des notes hallucinantes, et un total de 299,8 sur 300 points possibles ! Unidos da Tijuca, deuxième, "pénalisé" par sa samba-enredo (incroyable, j'ai écouté celle de Beija-Flor, elle ne vaut pas tripette face à celui de Unidos) et par l'"harmonie" de son défilé...Certes, le thème choisi par les Tijucanos était moins empreint de "brasilianité" que l'enredo de l'école de coeur de l'ex-président Lula, mais pénaliser l'originalité et la fantaisie de Unidos et récompenser le classicisme, voire la "fainéantise" de Beija-Flor (qui avait déjà célébré l'année dernière les...50 ans de Brasilia) est une terrible injustice ! Paulo Barros, le Carnavalesco de Tijuca, a ainsi eu beau jeu d'ironiser à ce sujet, soulignant qu'il savait "déjà quel enredo je ferai l'année prochaine. Je voulais faire Madonna, mais comme ils disent que je suis trop 'étranger', j'ai choisi, je vais faire un enredo sur Neguinho da Beija-Flor - le très célébre choriste de l'école-, comme ça, je serais sûr d'avoir la note dix !"
La suite du classement ne me semble pas non plus très cohérente : Mangueira 3ème, devant Vila Isabel, alors que cette dernière a été bien meilleure, sauf sur la samba-enredo et la bateria. Salgueiro et Imperatriz viennent ensuite, le bal des écoles traditionnelles devant et les plus modestes au fond de la classe (Mocidade, Porto da Pedra et ma São Clemente, dernière des écoles notées). Ne bouleversons surtout pas l'ordre établi...
Mais terminons sur une note heureuse : je ne le répéterais jamais assez : le défilé des écoles de samba est l'un des plus grands spectacles vivants au monde, un moment prodigieux et féérique, qui ne donne qu'une seule envie : réserver sa place pour l'année n+1 dans les travées du Sambodrome ! Chers lecteurs, si vous avez l'opportunité -et les moyens- de vivre ce truc in vivo, je vous en conjure : foncez !