Renault nous a habitués à ses échecs industriels. La mémoire collective retiendra par exemple le nec plus ultra du haut de gamme français porté par la Vel Satis. Surprise donc en ce début d’année 2011 lorsque le constructeur automobile laisse entrevoir une reconversion en entreprise d’espionnage. Cette petite fable a tourné depuis à son désavantage, et permettra une fois de plus à Renault de marquer les esprits durablement.
Si aucune entreprise n’est à l’abri d’un potentiel espionnage industriel ou d’une tentative d’escroquerie, je reste toutefois stupéfait de la pantalonnade médiatique à laquelle s’est prêté de bonne grâce le PDG de Renault, Carlos Ghosn, qui a jugé nécessaire de s’asseoir sur son indispensable devoir de réserve.
Paradant dans les journaux de TF1, tantôt pour accuser avec une incroyable assurance trois de ses salariés de trahison et quelques semaines plus tard, pour venir se déjuger et s’excuser platement en avouant s’être mépris, chacun est en droit de s’interroger sur les motivations de ce dernier et les conséquences qui en découleront par la suite.
Un dirigeant, quelque soit son activité ou le mandat qu’il détient, doit ordinairement veiller à l’image de la société qu’il représente et des salariés qu’il a sous sa responsabilité. Sur ce point, la communication de la direction de l’antique Régie a manqué le virage de la déontologie en préférant vanter ses savoir-faire en matière de motorisation électrique plutôt que de vérifier ses sources d’information.
On ne sait comment juger la séance d’excuse de Carlos Ghosn lundi soir. Je n’ose imaginer la forme qu’aurait prise celle-ci si, par malheur, un des trois salariés injustement accusé avait commis un acte irréparable contre lui-même. Je ne veux même pas penser aux sentiments vécus par les familles de ces trois hommes humiliés et trainés dans la boue.
Il n’y a donc pas rien à retenir de cette sombre histoire. L’arrestation de l’escroc présumé, les excuses étranglées du PDG, les promesses de réparation du préjudice ou le refus de percevoir primes et bonus, ne pourront effacer la très lourde erreur commise par la direction de Renault et Carlos Ghosn.
En d’autres temps, en d’autres lieux, des hommes ayant commis une telle erreur en auraient tiré toutes les conséquences. Les hommes d’honneurs avaient pour habitude d’user du hara-kiri (sous toutes ses formes). Cette sentence personnelle est fort heureusement tombée en désuétude de nos jours. Il ne reste donc plus grand-chose aux dirigeants de Renault… à part d’envisager une démission collective.
A la manière de Victor Hugo : « Il y a des gens qui observent les règles de l'honneur, comme on observe les étoiles, de très loin ».