Apocalypse now. Le commissaire européen à l’Energie Günther Oettinger a qualifié mardi l’accident nucléaire au Japon d’”apocalypse”, estimant que les autorités locales avaient pratiquement perdu le contrôle de la situation dans la centrale de Fukushima. L’ampleur de la catastrophe qui s’annonce, un tsunami radioactif, interpelle les opinions publiques européennes qui, a minima, demandent un moratoire sur l’énergie nucléaire.
Le drame qui se joue au Japon et l’impuissance des autorités à le circonscrire est dans toutes les têtes. Le commissaire européen à l’Energie Günther Oettinger, en contact avec l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), n’a pas caché son inquiétude : “Je n’exclus pas le pire dans les heures et les jours à venir“.
Afin de rassurer quelque peu les opinions publiques, les autorités européennes ont décidé de tester la sécurité des centrales nucléaires du vieux continent. La Commission fera des propositions “dans les prochaines semaines” sur les modalités des tests, qui devraient commencer au deuxième semestre, “accorder une attention toute particulière aux régions sismiques et inclure aussi les déchets nucléaires“, a précisé Günther Oettinger. En parallèle, la France qui dispose du premier parc nucléaire civil de l’UE avec 58 réacteurs sur 143 a annoncé par la voix de François Fillon qu’elle allait contrôler “toutes (ses) centrales, une à une“.
Signe de la gravité de la situation, Alain Juppé a abandonné le style diplomatique pour rendre compte sur Europe 1 d’une discussion avec son homologue nippon au sein du G8 à Paris. “La situation est extrêmement grave. Nous avons eu hier soir à Paris un entretien avec le ministre japonais (des Affaires étrangères, Takeaki Matsumoto), qui nous a donné toutes les informations dont il dispose. Le risque est donc extrêmement élevé“.
Les experts font remarquer qu’utiliser l’eau de mer pour refroidir le coeur du réacteur est un acte désespéré et ne cachent pas leur crainte d’une évolution vers un scénario à la Tchernobyl. En France, la CRIIRAD dénonce la sous-estimation volontaire de la gravité de la situation par les autorités françaises.
Contrairement aux affirmations de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) qui affirme qu’elle communiquerait avec autant d’assiduité et de transparence en cas d’accident nucléaire en France, le doute est permis. Toute l’aventure nucléaire française de la réalisation de la bombe à la construction des centrales en passant par l’extraction de l’uranium et son retraitement a été construite sur la base du secret et souvent de la manipulation de l’information.
Le drame de Tchernobyl a mis un sérieux coin dans la confiance que la population peut accorder aux autorités puisque le nuage radioactif avait officiellement pris la précaution de respecter nos frontières. Cet argument grotesque ne tient plus. C’est justement parce que les nuages radioactifs concernent l’ensemble de la planète que les autorités de surveillance et d’alerte ne doivent pas rester sous la botte des gouvernements mais, être placées à un niveau supra-national qui chez nous doit être l’UE.
Mediapart révèle qu’au Japon le sismologue Ishibashi Katsuhiko, professeur à l’université de Kobe avait alerté en vain à de multiples reprises les autorités nippones sur les conséquences des risques sismiques. “A moins que des mesures radicales ne soient prises pour réduire la vulnérabilité des centrales aux tremblements de terre, le Japon pourrait vivre une vraie catastrophe nucléaire dans un futur proche” écrivait-il dans un article paru le 11 août 2007 dans le quotidien International Herald Tribune/Asahi Shimbun. Membre du comité d’experts chargé d’établir les normes sismiques des centrales nucléaires japonaises Ishibashi Katsuhiko en avait démissionné pour protester contre la position du comité. Il estimait que les recommandations fixées par le comité étaient beaucoup trop laxistes.
Censure et autocensure dans les mises en garde sont les pires ennemis de la sécurité nucléaire. La France est bien entendu concernée.
Les propos d’Henri Proglio au micro de RTL ce jour laissent perplexes. Interrogé par JM Apathie sur la question du vieillissement du parc français et l’opportunité de prolonger l’exploitation de la centrale de Fessenheim 1 en service depuis 1979, la réponse est hallucinante : “c’est comme si vous disiez que les immeubles parisiens de plus de vingt ans doivent être détruits“. Le patron d’EDF défend la prolongation de l’exploitation des centrales par leur bon entretien et les sommes conséquentes investies à cet effet : 2 Mds € par an. Henri Proglio estime avec assurance que les 40 Mds qui seront investis dans l’extension de la durée de vie des centrales sont un gage de sécurité.
Une situation en totale contradiction avec la décision d’Angela Merkel, Outre-Rhin de fermer temporairement les installations les plus anciennes . Ce à quoi le PDG d’EDF répond avec une arrogance rare évoquant “une décision d’ordre purement politique”, “prise dans un moment de circonstance dramatique et de conjoncture électorale”.
C’est pourtant parce que l’atome ne connaît pas les frontières qu’il faudra bien trouver une harmonisation dans les stratégies énergétiques des Etats membres de l’UE.