Un programme universel
Formé clandestinement par Jean Moulin, le Conseil national de la Résistance travailla dès mai 1943 à l’édification d’une France moderne et plus juste. Il réunissait des personnes de tous bords décidés à mettre de côté ce qui les opposait pour mettre toutes leurs forces dans ce qu’ils partageaient.
« Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la Libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques, groupés au sein du C.N.R. proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la Libération […] Ainsi sera fondée une République nouvelle qui balaiera le régime de basse réaction instauré par Vichy et qui rendra aux institutions démocratiques et populaires l’efficacité que leur avaient fait perdre les entreprises de corruption et de trahison qui ont précédé la capitulation. ».
Un programme ambitieux, proposé aux Français à la Libération, parut le 15 mars 1944, toujours dans le secret.
Le retour de la démocratie
Après le combat et la Libération, les membres du CNR s’engagèrent à établir un gouvernement pour défendre l’indépendance politique et économique de la nation, rétablir la France dans sa puissance, dans sa grandeur et dans sa mission universelle. Ils proposèrent aussi, comme une évidence, le retour à la République et le rétablissement des libertés les plus essentielles à la démocratie :
- la pleine liberté de pensée, de conscience et d’expression ;
- la liberté de la presse, son honneur et son indépendance à l’égard de l’État, des puissances d’argent et des influences étrangères ;
- l’inviolabilité du domicile et le secret de la correspondance ;
- le respect de la personne humaine ;
- l’égalité absolue de tous les citoyens devant la loi.
Précurseurs du débat sur les droits économiques et sociaux, ou droits de l’homme de la deuxième génération, les Résistants proposent d’établir une liberté économique ordonnée à la satisfaction de l’intérêt général. La cogestion, le paritarisme, les nationalisations des grands moyens de production et la planification incitative restent les symboles de ces engagements.
A ces principes structurants, ils proposent une extension des droits des travailleurs, et posent les jalons de l’égalité des chances :
- le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
- un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
- la garantie du pouvoir d’achat national par une politique tendant à la stabilité de la monnaie ;
- un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se les procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’État ;
- la sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
- une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
- la possibilité effective pour tous les enfants français de bénéficier de l’instruction et d’accéder à la culture la plus développée quelle que soit la situation de fortune de leurs parents, afin que les fonctions les plus hautes soient réellement accessibles à tous ceux qui auront les capacités requises pour les exercer et que soit ainsi promue une élite véritable, non de naissance mais de mérite, et constamment renouvelée par les apports populaires.
Ces principes dégagés par le CNR figurent tous dans le Préambule de la Constitution de 1946, aujourd’hui encore partie de notre contrat social. Qu’en avons-nous fait ? Telle est la leçon de la crise financière. Qu’en ferons-nous demain ? Parviendrons-nous, dans les échéances qui arrivent, à laisser de côté ce qui nous oppose pour convenir de nouveau de la nécessité de rendre possible des ‘Jours heureux’ ?