deMagali Tardivel-Lacombe
Où l’on remarque que les programmes de soutien au secteur du livre n’ont pas toujours l’accueil escompté, même dans le plus grand pays arabophone…
Troisième volet de l’analyse sur l’édition en Egypte (lire la premièreet ladeuxième partie), tirée de mes discussions avec Sherif Bakr (éditions Al-Arabi, Arab Academy for Professional Publishing), Heba Salama (éditions Book House), Ali Hamed (éditions Sanabel) et Balsam Saad (éditions et librairie Al-Balsam) au Caire.
Mais Sherif Bakr, désabusé, déplore que ces bonnes intentions aient été sapées autant par la corruption que par “la stupidité américaine”. En effet, le programme mettait en avant la nécessité de promouvoir uniquement des messages de paix et de tolérance. “Mais l’histoire n’est faite que de guerres, surtout en Egypte, qui a une si longue histoire ! USAID voulait plus de tolérance, moins de violence, moins de religion…” Sherif secoue la tête : “Vous imaginez, en Egypte : moins de religion ?” D’après lui, l’échec de ce programme s’explique aussi par un détail de fonctionnement : pour tout livre perdu ou volé, 100 pounds devaient être versés par l’instituteur responsable. Du coup, les bibliothèques de classe ont été mises sous clé…
Quant auxéditions Book House, deux de ses titres ont été retenus pour ce projet USAID, et ont chacun été imprimés à 32.000 exemplaires. “Bien sûr, cela m’a encouragée”, raconte Heba Salama. “J’ai profité de ce climat favorable pour monter d’autres collections pour enfants, notamment des biographies illustrées de gens célèbres : Marco Polo, Marie Curie… Sur les 3.000 exemplaires de chaque titre, 1.500 ont été achetés par laFondation Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, basée à Dubaï. Mais depuis l’arrêt du projet USAID, les exemplaires qui restent en stock s’avèrent très difficiles à écouler…”
Ainsi, les éditeurs égyptiens que j’ai rencontrés parlent sur différents tons : d’un côté, de nombreux projets se concrétisent, depuis les librairies indépendantes jusqu’aux formations professionnelles, tandis que de l’autre, des lames de fond balaient à contre-courant ces initiatives positives, depuis l’absence d’unité du secteur jusqu’aux programmes d’aide qui, voulant trop bien faire, s’avèrent criticables… Avec ces différents sons de cloche, comment savoir si l’édition égyptienne connaît les prémices d’un envol, ou si les pieds d’argile de ce Sphinx vont continuer de s’effriter ?
Source : http://www.frankfurter-buchmesse.eu/magali/2011/03/15/un-sphinx-aux-pieds-dargile-33/