Will Cotton, Consuming Folly, 2009, huile sur toile
Si vous voulez savoir quels sont les ingrédients pour rater une exposition d’art contemporain, je vous invite à aller voir l’exposition « Tous cannibales » à la Maison Rouge, jusqu’au 15 mai prochain.
Le premier (faux) pas est de décider d’un thèm et d'y inclure les artistes et les œuvres que vous (ou les collectionneurs/galéristes) aimez particulièrement, même s’ils n’ont rien à voir avec votre thématique. Souvent les commissaires choisissent des thèmes d’exposition ayant pour objectif de séduire les gens, en misant sur la force d’attraction des mots tels que "mort, sang, sexe"... Voilà expliqué le cannibalisme. Comment justifier alors la présence d’œuvres telles que la poupée de Melissa Ichiuji (« Kissie Kissie ») ou bien la photo où Cindy Sherman exhibe un sein comme une Madone moderne ? Le communiqué de presse explique que le premier « cannibale » est l’enfant qui réclame le lait maternel, vrai « nourriture humaine ». Un peu tiré par les cheveux ?
Cindy Sherman, 'Untitled #225', 1990, tirage couleur
A mon humble avis, on aurait pu proposer un sujet moins spécifique et ronflant, tel que le corps, au lieu de se fixer sur un détail qui n’a qu’un impact marginal dans l’art d’aujourd’hui.
Règle n° 2 : Exposez des œuvres qui soient franchement « moches ». Oui, le concept de laideur est très subjectif, je vous l’accorde, mais dans ce cas précis je parie que vous penserez de même. Vous devez savoir qu’il y a des travaux en art contemporain qui flirtent avec l’esthétique du « trash » (c’est très branché, même si ça ne choque vraiment plus personne). Je ne suis à priori pas contre la laideur en art contemporain, mais alors pas dans une exposition où la réflexion repose uniquement sur cette matière.
Des exemples? L’énorme tableau de Will Cotton "Consuming Folly", la peinture de Norbert Binsky "Sündenbock", le tableau de Adriana Varejão "Azuleria Branca em carne Viva" ou encore la peinture de Oda Jaune "Untitled" (qui, en plus d’être laide, est colossale). Mais tout n’est pas à jeter, on peut voir aussi des œuvres intéressantes et remarquables, telles que la robe de viande de Jana Sterbak ou les gravures de Francisco Goya.
Francisco Goya, depuis la série "Los Caprichos" 1799, gravure
Justement, ces œuvres de la série Les Caprices (1799) me poussent à une troisième question : pourquoi les montrer dans une exposition consacrée au cannibalisme dans l’art contemporain ?
Dans toute l’expo on peu voir ici ou là, des œuvres anciennes (d’une grande valeur artistique, il faut l’admettre) qui semblent, en quelque sorte, légitimer le choix des contemporaines. Je ne suis pas contraire le mélange des époques, mais cela est très difficile à pratiquer et demande une grande réflexion et une connaissance très pointue et élargie de l’art ancien et contemporain que très peu de personnes possèdent. Il ne suffit pas de parsemer des gravures, des peintures, des photos qui évoquent de loin une thématique, sinon on pourrait penser qu’elles ont été sélectionnées pour remplir des vides.
Même discours pour les objets issus des arts premiers, on sait que les français sont passionnés par l’art des pays lointains et que lorsqu’on entend parler de cannibalisme, nos pensées vont immédiatement vers la Papouasie Nouvelle Guinée ou Madagascar, mais il n’est pas obligatoire de nous proposer des fourchettes ou des assiettes, même si leur valeur artistique dépasse celle des tableaux et sculptures avoisinantes.
Finalement, cette volonté exaspérante de montrer des jeunes artistes me paraît comme la multiplication de produits bio sur le marché alimentaire: un choix marketing. L’idée en soi est bonne, mais une fois de plus c’est comme s’il s’agissait d’un « label » : venez à la Maison Rouge, ici on vous montre les jeunes créateurs de demain, pas les vieilles rombières d’hier !
En voyant la vidéo de Camille de Galbert, on se dit qu’il vaudrait mieux parfois attendre quelques années après les Beaux Arts avant de risquer de montrer une telle œuvre dans un espace d’exposition si réputé. Petite méchanceté: confrontez le nom de famille de cette artiste avec celui du président de la Maison Rouge.
Une aquarelle de Marcel Dzama (Untitled, 2004), malheureusement elle ne fait pas partie de la série exposée à la Maison Rouge
Si vous voulez voir un travail de qualité qui sort des mains d’un jeune (quoique pas aussi jeune que Melle De Galbert), tournez-vous plutôt du côté des dessins de Marcel Dzama, une série d’aquarelles qui représentent des scènes de l’Enfer de Dante Alighieri.
En conclusion, je suis sortie de la Maison Rouge très déçue (les dernières expositions que j’y avais vues étaient très intéressantes) et avec l’impression de m’être faite avoir. Toutefois, cela vaut parfois la peine de plonger dans le désenchantement pour l’éviter la prochaine fois (dans mon cas, j'éviterai à l'avenir les expositions thématiques !).
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Tous cannibales, exposition collective
Maison Rouge, Fondation de Galbert
jusqu'au 15 mai 2011
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 05 avril à 21:50
Malheureusement, c'est en lisant un article comme celui-ci que l'on se rend compte qu'une critique d'art contemporain demande une capacite d'analyse historique et esthetique qui n’est pas a la portee de tout le monde. Du moins pas a celle de l'auteur de ce tissu d'aneries, qui prend plaisir a enchainer les clichés…