Le roman se déroule entre le 9 août et le 1er octobre 2006, deux mois seulement, mais deux mois de folie pure pour ce thriller haletant. Alain Duncan est photographe de presse, il a pas mal baroudé à travers le monde mais désormais il cachetonne, vendant ses photos aux magazines people, et là il cherche à shooter Amélie Mauresmo pendant son footing matinal au Cap-Ferret à côté d’Arcachon. Du moins était-ce son projet initial, jusqu’à ce qu’il tombe sur le cadavre d’une jeune fille crucifiée au sol et salement torturée. Dès lors, Duncan va s’engager dans un combat mortel au milieu des pires horreurs qu’un cerveau humain puisse engendrer, puisqu’il va se retrouver à enquêter sur un réseau de vente de snuff-movies. Pour ceux qui n’auraient jamais entendu parler de snuff-movies, il s’agit de films montrant la mise à mort d’êtres humains subissant les pires outrages, qu’achèteraient de très riches pervers. Légende urbaine ou réalité, si on en parle beaucoup, jamais personne n’en aurait réellement vus.
Duncan va donc se lancer dans cette traque, sur la piste d’un tueur d’abord, puis de toute la filière ensuite. Du sud-ouest de la France il ira en Bretagne et surtout à Bangkok – son enfer du sexe et les Triades Chinoises - et à la frontière Birmanie/Thaïlande où les Karens s’opposent aux troupes régulières. L’auteur connaît bien la région puisqu’il a eu l’occasion de photographier cette guérilla oubliée de tous (un voyage au cours duquel il a été blessé), de même que l’armée n’a pas de secrets pour lui, tout est très détaillé et documenté.
Comme souvent dans ce genre de roman, pour qu’un tel réseau existe il faut qu’il bénéficie de soutiens hauts placés, ce qui entretient toujours ce désagréable sentiment de « tous pourris » et la fin de l’ouvrage participe à l’entretien de ce sentiment diffus. Ici l’Armée française, nos divers gouvernements et ceux de Thaïlande sont incriminés. Je ne suis pas bégueule, mais j’avoue que les nombreuses descriptions de tortures mortelles m’ont fait faire la grimace et je reconnais aussi que je me suis posé la question, si raconter de telles ignominies ne pourraient pas donner des idées (à la con) à des abrutis comme on a l’impression qu’il y en a de plus en plus dans les rues.
Le bouquin est parfois un peu bavard (630 pages), certains personnages sont tocards ou peu crédibles (l’insupportable belle-mère), quelques invraisemblances aussi, d’autres défauts pourraient facilement être reprochés à Marc Charuel, mais le suspense est insoutenable, terminer le bouquin est une urgence. Un pavé que devront éviter les âmes sensibles et que les autres devront lire avec recul et second degré. Sur ce point il est parfaitement réussi et je serais très surpris s’il n’était pas adapté au cinéma.
« Le plan de l’homme était arrêté. Il enfermerait l’enfant dans la réserve d’hiver du deuxième sous-sol où personne à l’exception de lui-même ne venait jamais. Il foncerait au stand de la vidéo emprunter une caméra, cela ne poserait aucun problème. Moins de dix minutes pour revenir où l’attendrait l’enfant. Puis il le conduirait dans la salle du chauffage. Qui, en plein été, pourrait avoir l’idée de venir flâner à cet endroit ? L’enfant serait attaché et bâillonné. Alors, il le clouerait à son siège avant de le finir à l’aide d’un rabot électrique. Ce ne serait pas exactement ce qui avait été prévu. Ce serait une vidéo courte avec une mise à mort rapide, mais elle aurait du cachet. Il reprendrait son travail jusqu’à la fin de la journée. Personne ne trouverait l’enfant. Il enverrait la vidéo le soir-même, puis il évacuerait le cadavre du gosse pendant la nuit. Depuis des années qu’il y travaillait, il connaissait le BHV comme sa poche. Au besoin, il savait comment mettre la main sur les vidéos de surveillance du magasin. Aucun flic ne pourrait jamais établir un lien entre la disparition de l’enfant et lui. Ensuite il prendrait quelques jours pour aller à Bangkok régler son problème en direct avec la Triade. Les Chinois finiraient par passer l’éponge sur ses erreurs. Ils avaient besoin de lui. »
Marc Charuel Le jour où tu dois mourir Albin Michel