Elles sont quatre et n’ont en apparence rien en commun. Jeunes et séduisantes, elles ignorent que deux prédateurs terribles et antiques les guettent. Difficile d’en dire davantage sans déflorer l’intrigue.
Pari risqué que d’intégrer l’histoire du vingtième siècle à un récit reposant sur les contes de fées, mais pari totalement réussi pour Henri Courtade qui allie avec talents frayeurs d’enfant et peurs d’adultes. Il dessine un monde qui pourrait paraître manichéen, avec des méchants vraiment très cruels et des gentils vraiment adorables (et l’on pense aux deux nains) mais nuancé subtilement par petites touches (là encore, difficile d’en dire plus, mais l’on songe très fort à un certain personnage). La magie prend, et ce, dès le début, à l’aube de l’an 2000, sur Times Square. Le récit s’ouvre donc avec le nouveau millénaire, mais revient fréquemment sur un passé lointain et mystérieux qui se révèle par petites touches : Henri Courtade s’approprie totalement les contes, les fait siens, et parvient à innover, en surprenant son lecteur, même celui qui a dû apprendre les contes de Perrault quasiment par cœur pour le baccalauréat ! L’auteur sème des petits détails très bien trouvés un peu partout (j’ai notamment beaucoup apprécié Virginia Woolf, j’ai trouvé ça très fin !), vis-à-vis des couleurs, des noms,…Il joue avec nos connaissances, et le récit n’en est que plus agréable.
Des héros de conte de fées déracinés, donc, hors de leur époque « il était une fois » et évoluant dans un monde très actuel (l’intrigue se déroule principalement en 2011 !) : l’on transpose donc leurs attributs dans notre monde, et c’est toujours globalement bien trouvé : le royaume de la méchante belle-mère de Blanche-Neige n’a plus rien de boisé et de vallonné. Elle domine désormais du haut d’un building new-yorkais (nouveau donjon !) le monde des médias, la véritable puissance actuelle.
J’ai beaucoup aimé, vous l’aurez deviné. Les personnages m’ont séduite : Virginia est explosive, les nains adorables, le traqueur séduisant, Frédéric, bien qu’un peu terne, est particulièrement attendrissant, Albe est sympathique, mais un peu fade. Seul bémol, j’ai trouvé Marylin Von Sydow un peu trop monolithique, et aurait aimé en savoir un peu plus sur son passé.
Finalement, mon conseil serait de vous lancer ! Car quand une écriture fluide sert une intrigue bien construite, tout en faisant ressortir nos peurs d’enfants, en ce qui me concerne, c’est un tiercé gagnant !