Sans vouloir être exhaustif, il convient d’admettre le Commissaire français ne chôme pas et qu’en affirmant haut et fort que « le statu quo n’est pas une option », il dénote largement de son prédécesseur et affirme une ambition nouvelle pour l’Union européenne.
Premier français au poste de Commissaire européen en charge du marché intérieur depuis 60 ans – comme il aime à le rappeler – Michel Barnier hisse l’étendard français et innove jusque dans ses méthodes de travail.
De fait, il s’impose le même devoir de transparence que celui qu’il requiert des services financiers. Il vient ainsi de publier un bilan d’activités qui devrait permettre au tout à chacun de se remettre à niveau dans le suivi des initiatives prises par cet « acharné du travail ». Ancien parlementaire européen, il semble par ailleurs friand des rencontres avec les élus européens qu’il « debriefe » régulièrement dans le cadre soit de la Commission Affaires juridiques soit de la Commission Affaires économiques.
Plus encore, à travers le livre vert sur le marché unique, il a réussi à jouer la carte de la transversalité en réunissant 13 Commissaires européens pour « plancher » sur ce sujet d’importance. Même le groupe marché intérieur créé par le Président José Manuel Barroso au sein du Collège des Commissaires n’avait pas fait mieux. Faut-il encore espérer que les résultats seront à la mesure de l’exercice mené.
Particulièrement ambitieux et bien que candidat malheureux à la présidence de l’Union européenne, il s’attache à renforcer la capacité d’influence de l’Union européenne en oeuvrant à la convergence des normes comptables ou en veillant à une certaine symétrie des réformes des systèmes financiers. Il n’hésite pas à rencontrer, pour ce faire, ses homologues américains ou chinois. En janvier dernier, interrogé par le Figaro sur les institutions européennes, il déclarait, par ailleurs, souhaiter la désignation « d’un responsable européen unique de l’économie et des finances sur le modèle du double chapeau porté par Catherine Ashton en politique étrangère »…
Pour autant, le tableau n’est pas complètement rose. Il confesse lui-même à la presse qu’il « doit batailler en interne avec le directeur général au Marché intérieur, le britannique Jonathan Faull, et s’avoue en butte aux commissaires d’obédience libérale »1 . On rappellera en effet que la City n’a jamais vu d’un bon œil sa nomination au poste de Commissaire en charge du marché intérieur et des services et que le gouvernement britannique a fait pression pour lui imposer un directeur général britannique.
Certes, il a donné le ton pour une plus grande rigueur et une Commission indépendante nommée par le gouvernement Cameron devrait dans un rapport final, à l’automne 2011, imposer aux banques des contraintes particulièrement radicales.
Néanmoins, Michel Barnier ne se fait pas que des amis et lors sa première intervention devant le parlement britannique en décembre dernier, il s’est heurté à de vives critiques. Alors qu’il insistait sur le fait que la prospérité de l’industrie doit s’appuyer sur la stabilité et l’absence de crises, les députés mettaient quant à eux en exergue les notions de compétitivité et de liquidité. Ils lui ont rappelé également qu’aucune preuve de manipulations ou d’abus n’avaient été trouvées en matière d’hedge funds ou de produits dérivés. Ils l’ont enfin mis en garde contre le risque de provoquer une fuite des talents à vouloir réglementer la rémunération des banquiers.
Même si sa ligne de conduite est claire, qu’il fait sienne la feuille de route du G20 et qu’il reste fidèle au programme de travail qu’il s’est fixé, ces diverses critiques devraient lui rappeler que le mandat d’un Commissaire n’est pas forcément une autoroute…
1La Lettre de l’Expansion, 21 février 2011