Catastrophes

Catastrophe sismique, chocs météorologiques et pétroliers : la totale.
La gravité extręme des problčmes qui déferlent sur le Japon conduisent, par décence, ŕ relativiser leur impact sur le secteur aéronautique. Ce n’est pas lŕ, en effet, que réside l’essentiel, tant s’en faut. Mais il n’est pas interdit pour autant de les évoquer, avec prudence et retenue.
Le transport aérien, tout d’abord, est évidemment perturbé, encore que de maničre relative. Les compagnies japonaises sont chahutées, ŕ commencer par Japan Airlines, trčs fragile et qui tente actuellement de remonter la pente aprčs avoir frisé la faillite. D’autres transporteurs sont inquiets et, comme Air France, ont installé une cellule de crise pour venir en aide ŕ leurs passagers éprouvant des difficultés ŕ quitter l’archipel nippon. Reste qu’ŕ l’échelle de l’aviation civile mondiale, les conséquences du tremblement de terre, du tsunami et de l’accident nucléaire seront limitées. Ce qui n’empęche pas la profession d’afficher un attentisme inquiet.
Le contrecoup économique de ces problčmes pourrait cependant ętre plus profond qu’il n’y paraît ŕ premičre vue. Si tel devait ętre le cas, la grande fragilité du transport aérien serait ŕ nouveau mise en exergue, sachant que d’autres événements avaient déjŕ provoqué un sérieux coup de froid au cours des jours précédents. La situation géopolitique pour le moins délicate en Afrique du Nord et, surtout, les troubles graves en Libye, ont conduit ŕ une envolée spectaculaire du prix du pétrole. Il y a trois mois, selon les prévisions établies par l’IATA, les compagnies tablaient cette année sur un prix moyen du baril de 84 dollars. Trčs rapidement, une révision ŕ la hausse a été nécessaire pour passer ŕ 96 dollars. Mais, depuis lors, le baril s’est envolé ŕ 134 dollars.
Avant męme ce nouveau record, l’IATA estimait que les bénéfices du secteur seraient ramenés cette année ŕ 8,6 milliards de dollars, soit 1,4% seulement du chiffre d’affaires. Cette analyse n’est déjŕ plus d’actualité mais il faudra sans doute faire preuve de patience avant de pouvoir établir de nouvelles prévisions. En revanche, sans grand risque de se tromper, on peut affirmer que l’inquiétude est de mise, sachant que le transport aérien panse actuellement ses plaies au lendemain d’une coűteuse récession. Aussi a-t-il le plus grand besoin de combler les lourdes pertes accumulées il y a peu.
On en revient toujours au męme constat, ŕ savoir que le transport aérien est une industrie lourde, marquée par une forte inertie et qui, de ce fait, est techniquement et pratiquement incapable d’adapter rapidement son offre ŕ une demande en retrait. L’IATA –ce n’est pas la premičre fois- critique la propension de ses membres ŕ passer des commandes d’avions sans discernement suffisant. Une critique, il est vrai, qui n’est pas toujours justifiée. Le groupement professionnel n’en revient pas moins ŕ la charge, soulignant qu’en 2011, environ 1.400 avions nouveaux entreront en service. Reste le fait qu’il s’agit lŕ d’une certaine forme de généralisation dont il peut ętre risqué de tirer des conclusions ex cathedra.
Le chaos japonais aura-t-il des conséquences économiques et industrielles durables ? La question est largement prématurée. Ainsi, il est encore impossible d’imaginer quelles pourraient ętre les conséquences du grand désordre actuel sur l’approvisionnement en grands sous-ensembles des chaînes d’assemblage de Boeing. Fuji, Kawasaki et Mitsubishi risquent de pâtir, indirectement tout au moins, des problčmes qui se sont abattus sur le Japon, partenaire majeur des programmes 767,777 et 787. L’avion régional MRJ pourrait, lui aussi, ętre affecté.
L’aéronautique, au sens large, est solidement installée dans un rôle mondial. Elle vit au rythme des problčmes de la plančte Terre, quels qu’ils soient. En voici, malheureusement, une preuve supplémentaire.
Pierre Sparaco - AeroMorning
(Photo: NASA)