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(Auto)portrait d’une femme coincée

Par Borokoff

A propos de Poursuite de et avec Marina Déak 3 out of 5 stars

(Auto)portrait d’une femme coincée

A Paris, Audrey, la trentaine, est en crise. Divorcée d’Eric, elle vit avec son copain du moment, Stéphane, un informaticien dont elle est moyennement amoureuse. Mais elle a surtout à charge un petit enfant, Matthieu, qu’elle aime mais qui lui prend tout son temps, l’empêchant de pouvoir vivre comme une fille de son âge…

Autoportrait d’une trentenaire en dépression, Poursuite est un film sensible où ressort l’obsession de l’actrice/réalisatrice de chercher « l’expression d’une forme de vérité liée au réel ». Le titre en lui-même est énigmatique. Poursuite. Mais poursuite de quoi ? A quoi aspire cette jeune femme, coincée entre un ex-mari froid et triste comme une porte de prison, un copain qui ne suscite pas plus que cela d’enthousiasme, une mère omniprésente et Matthieu lui-même…

L’intelligence du scénario de Poursuite, c’est de ne jamais révéler justement ce qu’Audrey veut vraiment, ce qu’elle aimerait changer. On sait seulement ce qu’elle ne veut plus. Le titre Poursuite a plusieurs sens. Il peut autant signifier la recherche d’une autre vie à laquelle la jeune femme aspirerait, ou au contraire la poursuite dont Audrey fait l’objet par Stéphane qui l’aime et lui court en vain après… Poursuite de quoi ? De rien. Juste continuer à vivre avec (et malgré) toutes ces contraintes. Une dernière explication sur ce titre laisserait même supposer un harcèlement paranoïaque des hommes qu’Audrey, dans sa névrose, aurait bâtie de toutes pièces.

Ancrer autant une fiction dans le réel, vouloir faire un film aussi réaliste, presque documentaire, cela suppose une grande rigueur formelle que la réalisatrice a su avoir pour « parler de la complication pour une femme de circuler entre les enfants, le désir et le travail, aujourd’hui, en France et dans le monde occidental en général. » Alors de quoi rêve cette jeune femme mal dans sa peau ? Pourquoi erre-t-elle comme une âme en peine à la poursuite d’amants de passage toujours aussi décevants ? C’est ce que l’on cherche à comprendre. Peut-être n’y a-t-il aucune explication à trouver. Audrey assume le fils qu’elle a eu mais elle trouve la vie trop lourde, trop contraignante, coincée par les hommes et des contraintes matérielles qui ont pris le dessus sur toutes ses aspirations. Peut-être n’y a-t-il aucune raison à trouver à sa déprime sinon qu’elle est légitime. Audrey est bien une femme malheureuse qui doit s’occuper seule de son fils puisqu’Eric s’en est détaché et qu’il ne veut plus les voir sauf exceptionnellement.

Audrey, une femme divorcée de son époque et qui devrait assumer toutes les corvées ? Il n’y a qu’un pas que la réalisatrice ne franchit pas car Poursuite est plus nuancé que cela, plus subtil, évitant les raccourcis. Car ce que dit Marina Déak aussi en creux, c’est que le personnage d’Audrey n’est pas loin non plus de tomber dans l’aigreur (scène où elle critique son amie qu’elle a croisé par hasard dans la rue mais qui lui a semblé être devenue « mémère »).

Déak cerne avec acuité les sentiments des personnages, sent bien les choses, comme la scène chez le frère de Stéphane, Patrick (joué par Aurélien Recoing), où Stéphane regarde Audrey d’un air bougon et mauvais tandis que cette dernière semble revivre au contact de Patrick.

Le style très littéraire chez Déak, cette manière à la fois sensible et très réaliste de filmer fait penser à L’âge des possibles (1995) de Pascale Ferran. Tout aussi bien senti et dans la même veine…

www.youtube.com/watch?v=Vcv-V-itEkU


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