Nucléaire : mutualisation du risque et privatisation des recettes

Publié le 15 mars 2011 par Hmoreigne

Jouant les oiseaux de mauvais augure, les écologistes tentent de surfer sur la catastrophe nucléaire Japonaise pour ouvrir enfin un débat public sur la place du nucléaire en France. Ce faisant, ils prennent le risque de jouer sur les peurs et de promettre ce qui ne peut être tenu : une sortie sans douleurs du nucléaire.

Indécence et politique font depuis longtemps bon ménage. On parle même de “lois circonstancielles” pour évoquer des textes adoptés dans la précipitation à la suite de drames qui ont frappé l’opinion. Nicolas Sarkozy s’est révélé un maître en la matière. Un exemple repris aujourd’hui, certes pour une bonne cause, par les écologistes. A défaut de pouvoir avancer depuis des décennies sur un sujet qui lui tient à cœur, EELV a recours à des ficelles un peu honteuses qualifiées d’indécentes par une partie de la classe politique, de NKM à Ségolène Royal, souvent amnésique de ses propres pratiques.

Les Français sont nourris au lait du nucléaire depuis 40 ans” rappelait ce matin sur France Inter Dominique Voynet. A équation complexe, réponse complexe. La dépendance française à l’égard du nucléaire n’est pas un mythe. Un peu plus de 80% de l’électricité produite dans l’hexagone est issue des 19 centrales nucléaires réparties sur le territoire.

Face à une telle addiction, aucune sortie rapide et miraculeuse n’est possible. Même avec une éventuelle décision sans équivoque de la nation. C’est donc d’une longue cure de désintoxication qu’il faut parler en mettant cet objectif en parallèle d’une contrainte de taille : la demande croissante en énergie et notamment en électricité.

C’est d’ailleurs ce que propose Noël Mamère. “On ne pourrait pas se passer demain matin du nucléaire, puisque notre alimentation en électricité en dépend à 80 %. La France s’est placée sous la servitude du nucléaire, servitude involontaire pour le peuple français car le choix de cette énergie n’a jamais fait l’objet d’un débat démocratique. Nous n’avons pas attendu l’accident du Japon pour réclamer la sortie du nucléaire ; cela fait 35 ans que les écologistes alertent sur les risques. On ne demande pas la sortie immédiate. Mais comme les Allemands l’ont fait par la loi, les Français pourraient se donner 25 ans pour en sortir progressivement“.

S’ajoute à cela les fourches caudines d’un marché de l’énergie que l’Union Européenne a condamné à la libéralisation sauvage. On regrette à ce niveau le silence et l’absence des écologistes lors de l’adoption de la loi sur la nouvelle organisation du marché électrique (Nome).

Un texte scélérat passé dont le niveau de communication depuis les travaux préparatoires jusqu’au vote n’a d’équivalent que le choix sur un coin de bureau présidentiel du tout nucléaire dans les années 70.

Une loi qui, sous des aspects techniques et le prétexte fallacieux de concurrence libre et non faussée, est éminemment dogmatique puisqu’elle acte le démantèlement de l’organisation du marché français de l’énergie de l’après-guerre.

Le gouvernement Fillon loin d’apporter la moindre résistance ou tentative de correction Matignon a trouvé dans les oracles Bruxellois une belle justification pour mettre à disposition de la concurrence l’énergie nucléaire produite à bas coût par EDF. Ni plus ni moins qu’une répartition de la manne financière que constitue l’énergie nucléaire bon marché. Autrement dit, une mutualisation du risque nucléaire et une privatisation des recettes d’aujourd’hui.

La production nucléaire en est devenue d’autant plus profitable que l’essentiel du parc est désormais amorti. Pour autant, elle n’intègre pas le coût pharaonique de leur démantèlement lié aux impératifs de décontamination, de stockage et de recyclage des résidus.

Par un coup de baguette magique, les amis électriciens privés sans avoir réalisé le moindre investissement, peuvent désormais accéder à un quart de la rente nucléaire. Ce faisant le gouvernement a rendu encore plus difficile toute sortie programmée du nucléaire. La prolongation de la durée de vie des centrales françaises est à ce titre éclairante et inquiétante.

Grands perdants dans l’affaire les contribuables-clients qui après avoir financé la réalisation centrales, endossé pour quelques siècles le risque sanitaire, se voient offrir en remerciement une augmentation artificielle des tarifs qui va directement dans la poche des électriciens.

Partager et découvrir