Après une vente, ou après un achat, il faut boire dit un vieux proverbe de soiffard. Alors, rendez-vous dans les auberges nombreuses à l’époque médiévale, « le Chêne Vert », « le Serf Montant », « la Côte de Baleine », « la Truie qui file », « la Licorne »... Autant de noms pittoresques ! Pénétrons un instant à l’intérieur d’une taverne pour écouter la voix de circonstance d’un François Villon aviné et forcément en verve un jour de marché ! Ecoutons, rien que pour le plaisir, le poète fort en gueule qui règle ses comptes à travers des vers codés et une série de bonnes blagues que le lecteur me permettra de décrypter... Avec l’éloignement du temps, la saveur des mots et des allusions nous échappe de plus en plus...
Je précise que ces vers, choisis par référence aux rues du marché de la Rochelle, sont extraits d’un long poème intitulé « le Lais » dans lequel Villon s’amuse à distribuer des biens qu’il n’a pas à des gens qu’il n’aime pas...
« Item, je lègue et donne en pur don,
Mes gants et ma cape de soie
A mon ami Jacques Cardon,
Jacques Cardon est un drapier qui a pignon sur rue et qui n’a certes pas besoin de la « cape de soie » du miséreux François Villon (à qui il a sans doute « mangé la laine sur le dos » !)
Le gland aussi d’une saussaie
Et tous les jours une oie grasse
Avec un chapon de haute graisse,
Dix muits d’un vin blanc comme craie
Et deux procès pour qu’il n’engraisse pas trop (...)
Fantasmes de festins pantagruéliques et plaisanteries quand on observe qu’une « saussaie » est un lieu où poussent les saules, que le saule ne produit pas de gland mais que, comme chacun sait, « le gland » est porteur de connotations érotiques ! A l’époque de Villon, on ne cache rien en matière de virilité ! Demain, suite et fin avec d’autres destinataires !