Elle est où cette tolérance et cohabitation paisible?
L‘absence d’activité sur cet espace s’explique par la distance qui me sépare en ce moment du sujet principal de mes écrits. Toutefois, de ma tour (d’ivoire) en hémisphère nord, le déroulé d’un débat et les éclaboussements sur réseaux sociaux me poussent à briser l’embargo que je m’étais imposé : l’affaire ISKCON v/s McDo.
Dimanche, le 13 mars, alors que certains – aussi rares soient-ils – avaient encore le bourdonnement d’un « as one people, as one nation » aux oreilles, ailleurs, sur Facebook notamment, cet item m’a frappé comme une brique en pleine gueule :
Mon premier étonnement fut : comment se fait-il qu’à Maurice en 2011, au nom de la « démocratie », une partie non-négligeable – vocale en plus – de la population préfère accorder son soutien a une multinationale accusée d’être la source de maux, passant par la sante – l’obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires etc. – à incarner l’avatar d’un système économique à bout de souffle qui menace de s’écrouler à force de vouloir toujours grimper plus haut, plutôt que de s’aligner sur la position d’une organisation religieuse internationale, connue pour l’universalité de ses enseignements ?
La réaction du touriste, avec une pincée de sang gauchiste, en occident passée, mon deuxième étonnement : comment se fait-il qu’à Maurice en 2011, après plusieurs années passées à soigner des blessures et à feindre l’invisibilité de certaines cicatrices encore douloureuses, l’on bascule tout à coup dans une relation conflictuelle au point de clamer haut et fort :
C’est vrai que Maurice est une démocratie. C’est vrai aussi que « la liberté des uns s’arrête la où commence celle des autres », mantra de cet espace. Toutefois, voyons les choses comme elles sont : c’est la sensibilité et le tact de pouvoir discerner entre « ce qui se fait » et « ce qui ne se fait pas » qui définit les contours de la « tolérance » liant les multiples composants de notre société. Dans d’autres cercles, on l’appelle aussi le « respect »: cette réaction, pas toujours rationelle, qui consiste à ne pas juger l’autre pour ses pratiques qui n’ont pas de sens à nos yeux. C’est justement cette sensibilité et ce tact qui a mis fin a l’affaire azaan, lorsque les protagonistes ont finalement décidé de régler l’affaire a l’amiable, a l’abri des regards, sans fouetter les passions populaires. C’est pourtant le contraire de ce qui se passe dans ce présent cas.
En essayant d’identifier les protagonistes et de comprendre la position des uns et des autres, j’ai finalement pu mettre le doigt sur l’épine qui fait hurler autant certains: une histoire « d’image »*. L’image en question: un croisement entre la Voice Of Hindu (VOH) et l’ISKCON. L’opposition de cette tranche non-négligeable de la société mauricienne n’est pas dirigée envers l’association religieuse, mais contre l’image dont celle-ci se revêt tout à coup en s’associant a la VOH. Les bourdonnements de prières et autres éclats de chants au loin, sans compter les couleurs clignotantes qu’on associait pendant des décennies a l’ISKCON sont soudainement remplacés par l’image de la face vandalisée de l’antenne de McDo à Phoenix.
- Courtesy: www.lexpress.mu
Cependant, cette image à elle seule n’explique pas le recours automatique à ces « ce qui ne se fait pas ». La raison de ceux-là est plus profonde, plus délicate. Il serait, au mieux naïf, au pire malhonnête, de ma part de faire l’impasse sur la nature de « repli identitaire » qui motive ces « ce qui ne se fait pas ». Et au risque de me faire lyncher, je vais dire haut et fort ce que tous pensent tout bas : les passions sont exacerbées à Maurice face à une suite d’évènements où l’impunité de certaines associations socioculturelles a été associée, à tort ou à raison, au régime au pouvoir actuellement. Association que j’ai moi-même dénoncée sur cet espace: un régime à connotation « majoritaire », tolérant sans relâche les dérives de groupes sectaires, « ça ne se fait pas » non plus.
Ce qui m’amène a mon dernier étonnement, en deux volets :
1. Pourquoi l’ISCKON, la plus occidentale de toutes les associations religieuses hindoues à Maurice, s’obstine à s’associer à des voyous pour se défendre, plutôt que de combattre le feu par le feu en louant les services d’une agence de communication digne de ce nom?
2. Pourquoi la tranche de la population qui sent son côté « Mauricien » meurtri par l’attitude de ces pseudo-associations socioculturelles sans foi ni loi, se laisse aller aussi facilement et a recours à son tour a ces « ce qui ne se fait pas », froissant impulsivement ce voile de tolérance qui a pris tant d’années à prendre place, ne realisant pas au passage que le véritable responsable de ce mal-être se trouve ailleurs?
Ca serait, à mon humble avis, faire preuve de bon sens. Rien de plus.
* J’utilise ici le terme « image » pour ne pas plagier le texte d’un collègue.