Salle 5 : vitrine 4 - le mastaba de metchetchi : 1. une introduction

Publié le 15 mars 2011 par Rl1948

  Avant cette visite inattendue de la cathédrale de Liège à laquelle je vous ai conviés pour y découvrir une superbe statue du Génie du Mal due, en ce milieu du XIXème siècle qui voit s'épanouir le romantisme belge, au ciseau de Guillaume Geefs, nous avions momentanément quitté, amis lecteurs, à la veille du congé officiel de carnaval de l'Enseignement belge, la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre après avoir terminé l'évocation de tous les petits monuments consacrés aux animaux familiers exposés dans le bloc vitré n° 3 avec, obligatoirement pour objectif futur de porter nos regards sur la vitrine 4.


   (Grand merci à la conceptrice du blog Louvreboîte d'avoir en son temps réalisé pour moi ce cliché.)

   Le problème, car problème existe, réside dans le fait qu'il y ait deux vitrines 4 !

   En effet, sur le mur nord vers lequel nous dirigerons nos pas chaque mardi dans les semaines à venir et qui par la suite, nous mènera droit à l'entrée de la salle suivante ont été accrochés deux encadrements distincts auxquels, bizarrement, le Conservateur a attribué ce même numéro. Le premier contient un seul monument, le second, pour sa part, de quelque 7 mètres de longueur, donne à voir une trentaine de fragments peints de toutes dimensions ; nous aurons tout loisir d'y revenir ultérieurement.  

   Car pour l'heure, nous allons, si vous voulez bien m'accompagner, nous avancer vers la première de ces deux vitrines 4 aux fins d'y admirer un très beau bloc de calcaire finement gravé en relief dans le creux qui fit partie du mastaba d'un haut  fonctionnaire de la fin de l'Ancien Empire : un certain Metchetchi (ou Metjetji, selon les graphies étrangères).

   C'est au bas de la colonne verticale qui ponctue les inscriptions notées en cinq lignes horizontales sur la droite, en lesquelles il faut voir une classique formule d'offrandes, que ce patronyme est élégamment incisé.

   Il se compose de quatre signes hiéroglyphiques qui s'interprètent tout logiquement de droite à gauche : - logiquement parce que, souvenez-vous, un moyen de déterminer le sens de lecture d'un texte consiste à se diriger vers la tête d'un personnage ou d'un animal.

   Le premier d'entre eux, celui du hibou (G 11 dans la liste de Gardiner) se lit "m" ; celui de la "pincette", c'est-à-dire une corde servant à entraver un animal (V 13 dans la même liste) se dit "tch" (ou "tj") : il est ici deux fois répété ; enfin, à la gauche, celui du roseau fleuri (M 17 chez Gardiner) se prononce "i" ; l'ensemble donnant donc Metchetchi.

   Actuellement, la raison de l'apparition, dès 1947, sur le marché parallèle, donc illicite, des antiquités égyptiennes de pièces provenant de son tombeau constitue encore un immense point d'interrogation. Chronologiquement ce fut le Museum of Fine Arts de Boston qui, le premier, acquit une des 5 statues en bois connues de ce dignitaire memphite (numéro d'inventaire 47.155) ; immédiatement suivi par le Brooklyn Museum of Art de New York avec trois autres, réalisées dans le même matériau : 51.1,50.77 et 53.222. En 1952, la dernière d'entre elles, ainsi que les jambages gauche et droit de l'entrée du mastaba entrèrent au Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City.

   En 1953, le "Reuben Wells Leonard Fund" offre des reliefs de la façade au Royal Ontario Museum de Toronto.

   Les années soixante également eurent leur part du butin écoulé par les pillards : 1964 pour la stèle fausse-porte cédée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 64.100) par M. & Mme J. J. Klejman, ainsi que pour les 43 fragments peints  achetés par  le Louvre, dont nous découvrirons prochainement une trentaine, ici même, dans la seconde vitrine 4 ; 1965 pour le fragment de linteau  (E 25681) qui, pour quelques semaines maintenant, retiendra notre attention à partir de ce matin et, enfin, 1968 pour un bloc de la partie droite de la façade du monument par le Musée de Berlin.

   Tout aussi inconnue demeure la situation exacte de l'endroit où les voleurs se sont si généreusement "approvisionnés".

   Ce nonobstant, grâce aux derniers signes hiéroglyphiques que l'on aperçoit terminant la cinquième ligne et, surtout à la fin du cartouche royal, les égyptologues suggèrent que ceux qui pillèrent le monument le trouvèrent plus que très probablement proche du complexe pyramidal du pharaon Ounas, dernier souverain de la Vème dynastie, celui-là même que l'Histoire retient comme étant le premier à faires inscrire des compositions funéraires sur les parois de sa chambre sépulcrale et que l'on a pris l'habitude d'appeler Textes des Pyramides, alors qu'avant lui, je le rappelle, toutes les autres étaient anépigraphes.    

   En effet, le dernier signe hiéroglyphique du cartouche ne laisse aucun doute sur son attribution à Ounas, et ceux qui suivent, signifiant "son maître", pas plus sur le rapport entre les deux hommes : Metchechi fut donc bien un des hauts fonctionnaires de ce souverain.

   Mais que sait-on vraiment de lui ?

   Sur certains jambages de la porte d'entrée de son mastaba actuellement exposés au Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City, il a fait graver : 

     " ... moi, j'étais un aimé de [mon] père, un loué de [ma] mère ; moi, j'étais un possesseur de la condition d'imakhou auprès des hommes ; moi, j'étais un aimé de la foule. Quant à tous ceux qui me voyaient partout : c'est un imakhou et un bien-aimé qui vient, - ainsi disaient-ils à mon égard en tout lieu." 

Ou encore ceci :

     "... quant à tous ceux qui m'ont bâti cette tombe, je les ai payés après qu'ils ont accompli le travail en elle, avec le cuivre qui était en dotation à mon domaine personnel. Je leur ai donné des vêtements, en procurant leur nourriture avec le pain-bière de mon domaine personnel, et ils ont remercié le dieu pour moi à ce sujet." 

   Sur le socle d'une de ses statues, on découvre qu'il se dit être honoré par le roi, justifié devant le Tribunal d'Osiris, ainsi que devant Anubis sur sa colline ...

   Nous sommes tous évidemment conscients que ces inscriptions prétendument auto-biographiques ne constituent que des formules stéréotypées exonérant Metchetchi de toute mauvaise action comme le sont les termes de ce qu'il est convenu de désigner sous le vocable de "Confession négative" du chapitre 125 du Livre pour sortir au jour que jadis, souvenez-vous, je vous avais fait découvrir.

   En revanche, sur sa famille, en collationnant les indications proposées sur les différents reliefs disséminés dans les quelques musées d'Europe et des Etats-Unis, on apprend que de son épouse Inti il eut une fille, Iretsobek, ainsi que plusieurs fils : Ptahhotep, l'aîné comme précisé sur le linteau du Louvre, - personnage qui n'a strictement rien à voir avec celui auquel il est convenu d'attribuer l'Enseignement que nous découvrons ensemble chaque samedi depuis le 19 février -, Khouensobek, que le jambage droit exposé au Nelson-Atkins Museum of Art de Kansas City indique comme étant également l'aîné (!?!), Sabouptah et Ihy. 

   Si j'excepte les noms théophores qu'il a donnés à ses enfants : allusions patentes, remarquez-le, aux dieux Sobek, Ptah et Horus (- en effet, Ihy est un des noms attribués à Horus enfant quand, selon le mythe notamment rapporté par Hérodote, il était caché dans les marais de Chemmis par sa mère Isis dans le seul but de le soustraire à la vindicte de Seth -), vous en conviendrez qu'il n'y a pas de quoi comprendre vraiment la raison pour laquelle Ounas lui accorda l'insigne privilège d'être inhumé dans l'enceinte de son propre complexe funéraire.

   Sauf que ...

   Ce matin toutefois, vous me permettrez de ne point m'avancer plus avant ; et, ce que ce linteau ne nous a pas encore révélé, d'en soulever quelque peu le voile le 22 mars prochain,  ici même, devant cette première vitrine 4, en la salle 5 du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre.

   A mardi ?

(Kaploni : 1976, passim ; Porter-Moss : 1979, 646-8 ; Posener-Kriéger : 1976,  576-81 ;  Roccati : 1982, 145-7 ; Stadelman : 1980, 65-77 ;  Ziegler : 1999, 315-22)