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Lire en inde

Publié le 14 mars 2011 par Abarguillet

LIRE EN INDE

Carré d’as indien

Installons-nous un moment en Inde après avoir quitté le Sri lanka et ses luttes fratricides encore mal éteintes pour saluer ce carré d’as, ces quatre écrivains qui confinent au génie des lettres et c’est peut-être un des sommets de notre périple que nous gravissons aujourd’hui vers le panthéon des lettres mondiales. Je ne sais pas si, depuis que nous nous sommes embarqués dans cette aventure autour du monde par les livres, j’ai déjà eu l’occasion de vous proposer quatre textes aussi magistraux, aussi fastueux, aussi flamboyants, aussi… les adjectifs me font défaut, mais l’enthousiasme m’emporte et vous emportera, je l’espère. Nous partirons avec le grand Rohinton Mistry qui est déjà en bonne place sur la liste des « nobélisables » à la découverte des grands textes d’Amitav Ghosh, d’Arundhati Roy qui se fait hélas trop rare sur la scène littéraire et de l’immense Salman Rushdie dont aimerait que les foules se souviennent plus pour ses œuvres que pour les polémiques qu’il a déclenchées. Et, nous aurons l’immense joie de saluer quatre grandes œuvres, quatre monuments de la littérature mondiale : « L’équilibre du monde », « Les feux du Bengale », « Le dieu des petits riens, et « Les enfants de minuit ».

L’équilibre du monde

   Rohinton Mistry (1952 - ….)

Cette histoire s’articule principalement autour de Dina Dalal, une jeune et jolie veuve, anticonformiste, qui se voit contrainte d’accueillir chez elle un hôte payant, jeune étudiant, et deux tailleurs qui fabriquent pour elle, à la pièce, des vêtements qu’elle vend à une entreprise de prêt-à-porter locale. L’auteur raconte le passé de ces quatre personnages, l’année universitaire qu’ils passent ensemble, et ce qu’ils deviennent ensuite. Le sort n’est pas généreux pour ces quatre personnes, l’Inde connait une profonde mutation et les us et coutumes profondément ancrés dans les populations sont fortement bousculés sans être réellement remis en cause. Ce développement anarchique se façonne dans l’improvisation, la corruption, l’édiction de règles et de lois iniques qui fragilisent encore plus le sort de ceux qui sont déjà les plus touchés et les plus démunis et qui voient ainsi leurs espoirs d’un sort meilleur fondre comme neige au soleil.

Ce roman inoubliable, se déroule à l’époque où Indhira Gandhi conquérait et puis assumait le pouvoir en Inde. Une période difficile pour le pays, avec un gouvernement autoritaire sans aucune mansuétude pour les plus démunis, un pouvoir que l’auteur critique sévèrement en mettant en scène des gens très pauvres à la merci de toutes les brutalités du régime. Les principaux personnages illustrent parfaitement tout ce que Mistry reproche à Indhira Gandhi. Ishvar et Omprakash, les deux pauvres tisserands, héros malheureux de ce roman, subissent toutes les injustices infligées aux pauvres durant cette période et voient à chaque fois les espoirs qu’ils avaient fait naître par leurs efforts et leur débrouillardise, s’envoler sous l’effet de nouvelles mesures contraignantes.

Mais, jamais ces deux pauvres hères ne sombrent dans le désespoir, ils développent une amitié de plus en plus forte, de plus en plus fraternelle, qui leur permet de passer tous les obstacles, même les plus difficiles, qui sont souvent parfaitement imprévisibles. Ils sont tellement candides et tellement affectueux dans l’adversité qu’ils en deviennent émouvants, touchants et même carrément tendres. On fondrait presque devant tant de tendresse répandue dans une telle laideur. Et, l’art de Mistry réside, en grande partie, dans cette capacité à montrer le monde le plus impitoyable, le plus injuste, le plus abominable avec les yeux de deux pauvres miséreux qui ont conservé tout leur enthousiasme et leur candeur malgré tout ce qui peut leur arriver.

Une façon de montrer à des millions de défavorisés qu’il peut y avoir encore un espoir avec un autre pouvoir et que les choses, un jour, pourront peut-être changer et qu’ils auront alors leur part du gâteau.

Ce roman est un véritable monument de la littérature indienne, je l'ai lu il y a plusieurs années et il est toujours là, présent dans mon esprit, mais aussi dans mon cœur, car il comporte certainement quelques unes des pus belles pages de tendresse de la littérature. Ces deux tisserands complètement démunis ont su garder la fraîcheur d'esprit et la sagesse qui permet de débusquer les petits bonheurs qui font les gens heureux au milieu d'un monde de réalisme, de cruauté et d'indifférence. Même Arhundati Roy, même Salman Rushdie, même Amithav Ghosh ne m'ont pas autant ému.

Les feux du Bengale  de Amitav Ghosh ( 1956 - ... )

Les héros de ce livre : Alu le tisserand surdoué, Zindi, la monstrueuse maquerelle, Joyti Das, le policier ornithologue, et Balaram, le phrénologue admirateur inconditionnel de Louis Pasteur, partent à l’aventure sur les traces des marchands indiens qui ont peuplé les rivages de l’Océan Indien. Et, dans un texte flamboyant, Ghosh raconte les histoires tragi-comiques de ces héros picaresques tout au long de leur périple entre réalité et fantasmagorie. Une saga romanesque qui parait tout droit sortie des Contes des mille et une nuits avec des héros qui partent en quête plus souvent de chimères que d’objectifs concrets et réalistes. Et dans ce vaste brassage des populations, les idées circulent encore plus vite que les hommes, se nourrissent de leur propre rencontre et génèrent des théories audacieuses, à la mesure du mouvement effréné qui entraîne ce roman dans un vaste tourbillon. Un grand texte, un texte jouissif !

Le Dieu des petits riens  de Arundhati Roy ( 1961 - ... )

Un livre magnifique qui a connu les plus grands honneurs mais un livre qui se mérite dans le quel il faut pénétrer, y faire son chemin, avant de comprendre le drame qui vise cette famille et qui marquera à tout jamais ces deux jumeaux de huit ans qui ont vu ce qu’ils n’auraient peut-être pas dû voir. Rahel et Estha sont des faux jumeaux qui vivent dans le sud de l’Inde avec une mère abandonnée, un oncle coureur de jupons et marxiste pour les besoins de son ambition, et deux autres femmes. On les retrouve quand ils sont devenus adultes car le roman se déroule sur les deux temps à la fois : au moment de l’innocence quand le drame éclate et plus tard, beaucoup plus tard, quand les séquelles sont encore vivaces et apparentes. Ce roman c’est en fait l’histoire d’un amour impossible au pays des castes où religion et politique, jalousie et vanité ne favorisent pas la sérénité de la vie. Un texte tout en finesse, en sensualité, à la limite de l’érotisme.

Les enfants de minuit  de Salman Rushdie ( 1947 - ... )

Raconter ce monumental ouvrage de Rushdie relève encore plus de l’utopie que de la prétention tant ce roman est vaste, foisonnant, inventif, magique et allégorique. Tout est tellement éclaté et à la fois concentré qu’il est bien difficile de résumer, de synthétiser. Pour faire simple, on pourrait dire qu’il s’agit d’un vaste roman allégorique qui raconte l’histoire de l’Inde depuis son indépendance jusqu’aux années Gandhi, Indhira et Sanjay. Cette allégorie est construite à travers la vie de Saleem Sinai qui est né précisément le 15 août 1947, au moment où naissait l’Inde indépendante. Et, cet enfant, comme tous les enfants nés à la première heure de cette journée, dispose de dons exceptionnels qui lui permettent de communiquer avec tous les enfants nés en même temps que lui, les Enfants de Minuit, créant ainsi un réseau qui jouera un rôle important dans l’histoire de l’Inde, la partition du Pakistan, les années sombres imposées par la famille Gandhi que Rushdie fustige sans retenue. Un texte énorme, fastueux, flamboyant, exceptionnel !

Denis Billamboz

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