Pédophobes

Publié le 14 mars 2011 par Soseducation


Cet article est repris du blog L’observatoire du laxisme à l’école, écrit par Daniel Faivre.

Vous pouvez, comme lui, nous proposer vos articles sur le thème de l’éducation, de la violence à l’école, des méthodes de lecture…

Il faut vraiment détester les enfants, à tout le moins les craindre, pour les obliger, à l’encontre d’une tradition séculaire, à comprendre le mot avant de le lire. Comme si on imposait au danseur une réflexion préalable avant chacun de ses pas ! Plus vicieux encore : on l’invite à construire lui-même son propre apprentissage de la lecture selon ses centres d’intérêt, son moi-jeune ! Ainsi au CP, comme plus tard au collège, même prétention pédagogique, même démission de l’adulte (Oh, le vilain mot !) face à l’enfant roi. Conséquence : en 1996 le ministère constate que seuls 17% des élèves de CE2 lisent bien ; 15 % sont illettrés ; le reste en difficulté.

Restons caustiques : si nos réformateurs successifs ont hissé l’élève sur un piédestal ces dernières décennies, c’est pour mieux le réduire, l’abêtir. Le plus tôt possible. Voir notre article Dès la Maternelle. On poursuit au CP en le faisant entrer dans la langue par le sens, un sens unique comme la pensée du même nom, faisant injure au poète.

Je le vis, je rougis, je pâlis à sa vue

Croit-on que la célébrité de cet alexandrin racinien tient à son sens, à ce que Phèdre nous dit de son trouble amoureux devant son beau-fils ? Non ! C’est sa traduction musicale qui nous ravit, en exprimant formellement, charnellement, ce trouble : son rythme ternaire, son effet d’onde,( – 3 3 6- ); les flutes de ses voyelles accentuées (assonance en [i], final en [u])…Bref, c’est son chant qui est beau.

Enfin ! La secte réformatrice de Philippe Meirieux et consorts ignore-t-elle Ferdinand de Saussure et son Signifiant / Signifié ? Faire l’impasse sur l’image acoustique d’un mot, sa phonie, sa musique, sa saveur, perçue avant son sens ! D’autant que celui-ci est souvent polysémique ; qu’ils relisent S/Z de Roland Barthes ! C’est ignorer les dispositions ludiques de l’enfance.

Nabuchodonosor. Avant d’être un roi Babylonien, il déploie majestueusement et comiquement ses six syllabes, avec son assonance martelée en [o] qui rebondit à l’infini, déclenchée par une surprenante occlusive [ch] , et qui s’ouvre enfin dans le faste de son [or]. Les poètes Desnos et Rimbaud s’en amusaient. Un enfant de six ans doit pouvoir en faire de même.

Gilles de Robien, ministre de l’Éducation nationale (de droite), voulut arrêter le massacre de la lecture globale ou semi-globale, en 2006. Tollé des syndicats (de gauche ; malgré la condamnation d’un Jacques Lang qui la juge, en 2001 « catastrophique »). Ainsi va son train train, la guerre civile française…

Les instituteurs « résistèrent » donc, au nom du Progrès et de la fraîcheur enfantine. Se rendaient-ils compte que, ce faisant, ils accroissaient les injustices :
- d’abord parce que les enfants « bien nés » ont appris à lire chez eux avant le CP.
- Ainsi peuvent-ils enrichir leur vocabulaire de mots nouveaux, surprenants, mystérieux.
- Enfin parce qu’ils jouent avec la langue sans effort, sans les crispations de la devinette, sans esprit de méfiance.

A tous les niveaux – élémentaires, collégiens, lycéens- l’idéologie a fait basculer l’Éducation Nationale dans le tri sélectif. En faisant un sort aux valeurs traditionnelles de Transmission et d’Autorité, on a favorisé un élitisme de privilégiés, des beaux quartiers, de centre ville ou du privé chic, au détriment bien sûr du Vulgum Pecus.