[11/03/2011] Le président du Festival de Cannes Gilles Jacob publie une soixantaine de lettres adressées à Catherine Deneuve, Woody Allen, Juliette Binoche, Federico Fellini, Jane Fonda et même au Loup de Tex Avery. Extraits exclusifs
Présider le Festival de Cannes n'interdit pas d'être un homme de lettres accompli. Au contraire, mieux vaut être un fameux épistolier pour répondre, du tac autact,à son«cher Michel Ier»(c'est Piccoli) que« passer l'épreuve de la sélection»est un préalable nécessaire«avant de songer à des prix éventuels».Il faut encore savoir présenter ses excuses à l'irremplaçable Philippe Noiret pour avoir«manqué de jugeote»en l'informant que «Cinema Paradiso» n'aurait«rien».Et même si ça n'aboutira jamais, il faut bien tenter de convaincre un génie comme Bergman de venir sur la Croisette présider le jury. La correspondance est un art où Gilles Jacob excelle avec humour, élégance et tendresse.
Dans «le Fantôme du capitaine», où il rassemble une soixantaine de correspondances plus ou moins fictives en considérant que«la mémoire est belle quand on l'aide un peu»,cet ami de François Truffaut glisse du coq à l'âne, d'Alain Resnais à Catherine Deneuve et, surtout, de l'autoportrait insolite aux déclarations d'amour à sens unique.
Car c'est la malédiction du cinéphile, condamné à brûler en silence pour Delphine Seyrig, Anouk Aimée ou Monica Vitti. Il n'a plus qu'à célébrer les charmes de« l'amour platonique ». «Parfois,se console-t-il,les liaisons imaginaires donnent l'illusion d'un bonheur immatériel et permettent de traverser la vie sans la prendre à bras-le-corps.»Le beau livre de Jacob aussi.
Grégoire Leménager
«Le Fantôme du capitaine», parGilles Jacob,
Robert Laffont, 340 p., 20 euros