Trente ans après, «La Conjuration des imbéciles» est toujours moderne

Par Benard

Dimanche 13 mars 2011 

Couronné du prix Pulitzer en 1981, le chef-d'oeuvre de John Kennedy Toole anticipait l'autofiction et contenait une critique sociale toujours d'actualité.

- Détail de la couverture de La Conjuration des imbéciles dans sa réédition vingtième anniversaire par la Louisiana State University Press -

Comme l’explique l’écrivain Walker Percy dans la première phrase de sa préface à La Conjuration des imbéciles, «la meilleure façon de présenter ce roman […] est peut-être de raconter comment il [lui] est parvenu». Car l’histoire personnelle de John Kennedy Toole et la triste ironie que cache la création de son œuvre sont au cœur de l’aura tragique et de l’étiquette de livre maudit qui l'accompagne depuis sa sortie, il y a trente ans, couronnée d'un prix Pulitzer en 1981.

L’histoire littéraire est friande de ces croustillantes anecdotes, de ces destins complexes et de ces paradoxes artistiques, plus ou moins romancés, qui rendent une œuvre encore plus exceptionnelle. La fameuse lettre de refus de Gide à Proust, l’ordre de Kafka à Max Brod de brûler ses écrits ou la censure de Madame Bovary ou des Fleurs du Mal sont autant d’éléments extralittéraires qui aident aussi à forger la réputation d’un livre. C’est peu dire que le destin de Kennedy Toole a aidé à créer la renommée du sien.

Né en 1937 à la Nouvelle-Orléans, Ken (comme on le surnommait) passe toute son enfance dans sa ville natale avant d’aller passer un master de littérature anglaise à l’université de Columbia à New York. En 1961, il réalise son service militaire de deux ans à Porto Rico. Une période pendant laquelle il enseigne l’anglais tout en écrivant La Conjuration des imbéciles.

Première publication à 2.500 exemplaires

De retour à la Nouvelle-Orléans, il continue d’exercer son métier d’enseignant mais tente surtout de faire publier son roman. Sans aucun succès. Le 20 janvier 1969, après une dispute avec sa mère Thelma, il voyage vers la côte ouest puis revient à la Nouvelle-Orléans. Il passe par Milledgeville, en Géorgie, pour visiter la tombe de Flannery O'Connor, et s’arrête près de Biloxi, une petite ville du Mississippi où il se suicide le 26 mars en reliant son pot d’échappement à l’intérieur de sa voiture.

Après sa mort, sa mère tente de faire publier ce que l’écrivain considérait comme son chef-d’œuvre. Sept ans plus tard, en 1976, elle réussit à faire lire le manuscrit à Walker Percy: «S’il y avait une chose au monde qui ne me disait rien du tout c’était justement ça, […] avoir à lire un manuscrit […] qui se révélerait un gribouillis infâme, à peine lisible». Mais bien sûr, l’écrivain continue «à lire, encore et encore», surpris «que ce soit aussi bon». Le livre est finalement publié en 1980, à 2.500 exemplaires, chez Louisiana State University Press avant de remporter le Pulitzer et de devenir un mythe de la littérature américaine contemporaine.

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