quelques miettes du lundi

Publié le 14 mars 2011 par Pjjp44


"Bob Munroe se réveilla couché sur le ventre. Sa mâchoire lui faisait mal, les oiseaux piaillaient et son caleçon le gênait. Il était arrivé tard, des élancements dans le dos à la suite du voyage en car, et il s'était allongé par terre pour dîner de deux paquets de crackers, si bien qu'il était plein de miettes- sous son torse nu, dans les plis moites de transpiration de ses coudes et de sa nuque, tandis que la plus grosse et la plus désagréable s'était logée dans la raie de ses fesses, pareille à une pointe de flèche en silex. Il ne parvint pas à s'en débarrasser car il avait dormi dans une mauvaise position.il avait des fourmis dans les bras. Il voulut les remuer. C'était comme essayer de faire bouger une pièce de monnaie par sa seule force de concentration. Pour son premier matin dans cette maison vide, Bob sentit peser sur lui tout le poids de la journée. Il frissonna au contact du lino froid contre sa joue et eut le sentiment que non loin en dessous, dans le sol sablonneux, la mort tendait la main pour l'effleurer.
Ses petits rouages finirent par se mettre en place et le hisser sur ses jambes. Il s'appuya au mur le temps que la tête cesse de lui tourner, gratta la miette coincée entre ses fesses, puis il se rendit dans la cuisine. Il ouvrit le réfrigérateur, lequel était vide et dégageait une odeur âcre de thermos laissée trop longtemps fermée. Dans le congélateur, les bacs à glace contenaient quelques cubes chétifs. Bob en sortit un qu'il glissa dans sa bouche. Il avait un goût de linge sale, et il cracha dans l'espace poussiéreux entre le frigo et la cuisinière. .../..."

-Extrait de: "La côte de brun"-une nouvelle de Wells Tower- "Tout piller, tout brûler."traduction: Michel Lederer-Terres d'Amérique- Editions Albin Michel-
autre avis:"En lisant en voyageant"

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