Rebelle est le poème, tâche rouge au paysage IV

Publié le 14 mars 2011 par Xavierlaine081

 

Ce fut, sommes toutes, un non évènement, puisque le vrai, l’officiel, celui que tous attendaient se passait ailleurs. Mais nous eûmes la patience d’écrire dans la marge les prémisses d’une autre ouverture. La symphonie finira bien par venir, n’est-ce pas ?

Au fil des jours pleuvaient comme sur nos têtes les gouttes froides d’un mars furieux, les mauvaises nouvelles pour le microcosme poétique de ce pays. Les édiles, de tous bords, aiment de moins en moins toute parole libre et incontrôlable. Alors, ils exigent en tapant du pied et du poing. Ils menacent et mettent celles-ci en application : pour peine de vos mots ardents qui débordent de nos idées étroites, nous fermons les cordons de la bourse.

Ceux-là n’imaginent même pas, tant leur pensée tiendrait dans un dé à coudre (mais sait-on encore, désormais, ce que peut être un tel objet ?) qu’à tant œuvrer pour une culture réduite au divertissement, c’est contre eux-mêmes qu’ils jouent, détruisant l’espoir avant même de l’avoir semé. 

Nous étions donc dehors. Il faisait froid, terriblement froid, et le maigre public dut se faire stoïque pour ne pas fuir devant la morsure météorologique. 

Les mots filaient à pleines bouches, à pleines gorges déployées, et micros ouverts. Le rythme en ponctuait l’aplomb : parole rebelle, encore et encore, comme l’est toute poésie qui ne s’accommode de rien, nait de rien, jaillit de nulle part. 

Il fallait juste cette fenêtre pour rejoindre Jean Genet : 

« La chanson qui traverse un monde ténébreux 

C’est le cri d’un marlou porté par ta musique, 

C’est le chant d’un pendu raidi comme une trique. 

C’est l’appel enchanté d’un voleur amoureux. » 

C’est le propre de toute poésie que de se rendre intemporelle, de traverser le temps sans prendre une ride, en phase avec la clameur des hommes, jaillie de derrière les barreaux. Mais qui pourrait, dès lors, se déclarer libre et sans chaînes, sinon ceux que la privation de liberté initie à la barbarie que les humains exercent sur eux-mêmes ? 

Il faisait froid dehors, mais si chaud en dedans dans cet espace étroit, entre les livres sagement rangés. Un petit verre de rouge entre deux lignes et les langues vont bon train. On se promet de remettre ça, pour le plaisir de la rencontre. 

Voilà que la promesse est en elle-même une poétique du monde, ou son frémissement. 

Manosque, 13 mars 2011

Xavier Lainé