Magazine Culture
Dans le premier (et très réussi) film de Duncan Jones, fils de David Bowie, Sam Rockwell est Sam Bell- astronaute, en charge de l’extraction d’un gaz lunaire, qui survit depuis trois ans grâce aux messages plein d’amour de sa femme et de sa fille restées sur Terre. Moon, direct-to-video qui aurait largement mérité une sortie dans les salles françaises, ressuscite la SF intense et glaciale qu’offraient les Kubrick (2001, A Space Odyssey) et Tarkovsky (Solaris) à l’époque. Petit budget (5 millions de $) mais grandes idées au service d’un récit au croisement de la métaphysique et du thriller qui offre de quoi disserter pendant des heures sur des questions éthiques rarement étudiées sous cet angle, soit le clonage, les expériences scientifiques, l’absurdité d’une vie humaine à l’échelle de l’immensité de l’espace. Le décor immaculé d’une station spatiale, le one-man-show d’un acteur capable de tout (et souvent du meilleur), la musique inspirée d’un Clint Mansell (Requiem for a dream) : autant d’ingrédients qui hissent ce Moon au sommet, objet cinématographique plein d’assurance et de ressources. Récompensé à Gérardmer en 2010 par le Prix du Jury et de la Critique Internationale, le film mérite bien l’aura de mystère qu’il a glané depuis, petit buzz audacieux et singulier qui affronte, au cœur d’un minimalisme réjouissant (UN acteur pour plusieurs rôles, un robot comme personnage à part entière, un lieu unique), des thématiques troubles et intéressantes. Le voyage – dans les méandres de la perception d’un être dédoublé – rappelle la difficulté de l’homme à se définir au sein d’un tout (l’univers, ici) et brille du blanc éclatant des douloureuses vérités, comme celle de n’être rien d’autre que ce que l’on croit.