Ha Ha ha Ha. Laurent Binet m’a bien eue en faisant semblant d’écrire un roman sur l’assassinat d’Heydrich : en fait, le sujet du roman, c’est Laurent Binet qui essaie d’écrire un roman sur l’assassinat d’Heydrich. Ce qui, comme le lecteur ne tarde pas à le réaliser avec consternation, est une opération douloureuse qui confronte l’écrivain à des questions déchirantes : quel compromis établir entre la vérité historique – à savoir ce qu’on sait, mais surtout, c’est bien plus casse-pieds, ce que l’on ne sait pas – et les exigences du roman ? Peut-on écrire que le héros (ce n’est pas Heydrich, pour ceux qui n’auraient pas suivi) a souri ou fumé une cigarette en montant dans l’avion qui devait le parachuter à pied d’œuvre, alors qu’on n’y était pas ? Pourquoi Jonathan Littell a-t-il eu le Goncourt pour une œuvre de fiction que Laurent Binet n’a même pas aimée? Et pourquoi la copine de Laurent Binet l’a-t-elle quitté en cours de route, hein, pourquoi ? Le lecteur lui-même, emporté par ce torrent de doutes, s’interroge : pourquoi Laurent Binet insiste-t-il tant sur la sale gueule des Allemands ? c’est si important ? et pourquoi n’est-il pas plutôt en train de relire Jonathan Littell, puisque celui-ci, au moins, savait ce qu’il faisait ?
Un livre pour rien, donc.
HHhH, Laurent Binet, 2010