Colloque Mutations de l’écriture : arts et sciences
(Colloque organisé par François Nicolas et les membres du collectif Histoire Philosophie Sciences de l’École normale supérieure.)
Au seuil du XXIe siècle, et même du IIIe millénaire, la musique pose une question aux autres arts comme aux sciences : comment ajuster les différentes écritures (musicale, mathématique, chorégraphique, biologique…) - qui sont au fondement des modes de pensée concernés - , comment les ajuster aux nouvelles exigences des matières sur lesquels ces pensées embrayent ?La musique, ainsi, dispose d’un système d’écriture autonome (le solfège) fondé sur une lettre particulière (la note) qui, inventé au début du IIe millénaire, s’avère désormais en partie inadapté aux nouveaux matériaux sonores (en particulier électroinformatiques) qu’il s’agit de modeler musicalement au moyen d’une nouvelle conjonction entre instruments et partition.
En ce point, la prolifération empirique des simples notations (graphiques, illustratives, explicatives…) à laquelle on assiste en musique ne saurait dispenser de réformer l’écriture musicale proprement dite (ou pensée "à la lettre") s’il est vrai qu’il en va, en matière d’écriture musicale, de logique : de la logique même de ce que veut musicalement dire qu’un discours ou qu’un développement musical. Penser la mutation en cours de l’écriture musicale, et pas seulement arranger provisoirement les choses, c’est donc tout aussi bien penser les mutations en cours en matière de "logique musicale" et leurs exigences en matière de nouvelles algèbres et de nouvelles "lettres" musicales.
Si ceci est vrai, qu’en est-il de mutations équivalentes dans les autres arts - singulièrement dans ceux qui entreprennent de se doter (enfin ?) d’une écriture qui leur soit propre (la chorégraphie) - mais aussi dans ces nouveaux champs de pratiques interactives mêlant images, sons et gestes corporels et ayant donc intrinsèquement affaire au mixte des différents sens physiologiques ?
Qu’en est-il aujourd’hui surtout dans les sciences, singulièrement dans la seule science à s’être dotée (comme la musique l’a fait parmi les arts) d’une écriture autonome : les mathématiques ?
Qu’en est-il également en matière de logique où le calcul aveugle sur la lettre doit régulièrement être ressaisi en pensée dans de nouvelles modalités d’inscription ?
Qu’en est-il dans les sciences confrontées au problème d’avoir à nouer leurs propres lettres à l’impératif galiléen inentamé de s’écrire mathématiquement ? Comment ce double dispositif (écriture mathématique importée / modes endogènes d’inscription) tend-il aujourd’hui à se nouer en physique, en chimie, et bien sûr en biologie ?
Enregistrement vidéo de l’intervention de Thierry Paul