Comme le disait si justement Woody Allen, “L’éternité, c’est long, surtout vers la fin…”.
On pourrait ajouter : “et aussi au début…”, au vu du premier long-métrage en compétition du jour, signé par le thaïlandais Sivaroj Kongsakul. Eternity démarre par une succession de longs plans fixes suivant le parcours d’une mobylette sur des routes de campagne. Ah, Sofia Coppola peut aller se rhabiller avec son plan introductif de Somewhere sur une voiture faisant des tours de circuit. On a indubitablement trouvé plus ennuyeux. Sauf que si le film de la cinéaste américaine entendait communiquer le sentiment d’ennui, ce n’est pas le sujet de ce film thaïlandais, qui se veut la description d’une histoire d’amour…
Hé bien l’amour, c’est peut-être beau – effectivement certains plans sont sublimes – mais filmé comme cela, qu’est-ce que c’est chiant ! Toutes les séquences du film sont semblables à ces scènes introductives, longues, lentes et pas spécialement intéressantes…
En tout cas, là, il n’y a pas tromperie sur la marchandise, tout est dans le titre : Eternity semble durer une éternité…
Après, il y a deux écoles : d’un côté tous ceux qui sont partis avant la fin, de l’autre ceux qui ont lutté jusqu’au bout contre le sommeil. Plus quelques surhommes qui ont réussi à regarder ce film-somnifère sans céder à l’assoupissement, et une poigné de cinéphiles intello-élitistes qui se sont extasiés sur la splendeur de ces paysages en plan fixe. Euh, les gars, si pour vous le cinéma c’est regarder des paysages en plan fixe, faites 200 mètres de plus et posez vous sur la plage, face à la mer. Vous aurez aussi des paysages, et en plus vous prendrez un bon bol d’air marin… Et nous, pendant ce temps-là, on exigera des oeuvres un peu plus dynamiques que ce film plombant et bien peu passionnant. Après, il en faut pour tous les goûts…
Enfin, personnellement, j’ai préféré et de loin, le joli film de la cinéaste chinoise Li Yu, Buddha mountain… Comme beaucoup, d’ailleurs, car il a été très applaudi par le public… La cinéaste raconte l’histoire de Ding Bo, Nan Feng et Fatso, trois jeunes adultes qui décident d’arrêter leur études pour s’émanciper et se lancer dans la vie active. Amis inséparables, ils décident de partager un appartement et trouvent plusieurs chambres à louer chez une ancienne chanteuse de l’opéra de Pékin. Au début, la cohabitation est houleuse. La quinquagénaire ne supporte pas le bruit et le chahut, s’emporte dès qu’ils touchent à ses affaires. Peu à peu, les jeunes gens vont comprendre le drame qu’a vécu cette femme, et vont l’aider à reprendre goût à la vie. De son côté, l’ex-chanteuse va leur apprendre la sagesse et les entourer de la présence adulte qu’il leur fait défaut. Il s’agit donc d’une belle leçon de vie, d’échange entre les générations et de solidarité, qui mêle amitié, amour et spiritualité.
D’emblée, grâce à une mise en scène élégante et bien rythmée (après Eternity, ce n’était pas trop difficile non plus…) et à la belle photo de Zeng Jian, on se laisse porter par le film. Et du coup, on s’attache facilement aux personnages, touchants malgré – ou grâce à – leurs défauts et leurs faiblesses. D’autant plus qu’ils sont joués par d’excellents acteurs : Sylvia Chang dans le rôle de la quinquagénaire, Fei Long en bon gros sympathique, Chen Po Lin en beau gosse rebelle (au passage, le jeune acteur
Et puis, petit coup de coeur personnel pour la jeune actrice principale du film, charmante et émouvante : la belle Fan Bing-bing. Voyez, autant le bling-bling, je n’en suis pas fan, autant je suis très fan de Fan Bing-bing…
Hum, désolé… Mais après avoir lutté contre le sommeil avec Eternity, j’ai besoin de faire des jeux de mots pour retrouver un peu d’énergie…
Et puisqu’on est dans le Bing-bing, parlons aussi de Li Bing-bing, autre actrice chinoise qui, dans Detective Dee, le mystère de la flamme fantôme, fait quasiment jeu égal avec l’excellent Andy Lau. Le nouveau Tsui Hark, présenté hors compétition, est un film à gros budget qui n’a rien à envier aux superproductions américaines. Il mêle récit historique et enquête policière, avec un zeste de fantastique et – évidemment – une pincée d’arts martiaux, sans trop d’effets spéciaux et de combattants qui volent à dix mètres au-dessus du sol.
Disons qu’il réussit là où Guy Ritchie a échoué avec son Sherlock Holmes, dans le genre blockbuster d’aventures ésotériques. Cinéaste inégal, Tsui Hark maîtrise ici parfaitement son sujet, tirant parti de ses décors grandioses et de ses interprètes, tous impeccables tant dans le jeu que dans les scènes physiques, chorégraphiées par Sammo Hung : Outre Andy Lau et Li Bing-bing, on retrouve Carina Lau, Tony Leung Ka-faï ou Deng Chao…
Le film se passe en l’an 690, au moment où la Chine s’apprête à célébrer le couronnement officiel de l’impératrice Wu Zetian, qui assure la régence depuis la mort de son mari. Elle ne montera sur le trône qu’une fois achevée la construction d’un gigantesque Bouddha de 120 mètres de haut. Mais des complots sont à l’oeuvre pour l’empêcher de prendre le pouvoir. Des morts étranges se produisent dans l’entourage de l’impératrice et ses opposants. Les victimes semblent être victimes de combustion spontanée !
Pour résoudre cette affaire mystérieuse, la future impératrice fait libérer un de ses plus farouches opposants, le juge Dee, connu pour ses qualités d’enquêteur.
Aidé de l’officier albinos Bei Dong-laï et de Jing, la favorite de l’impératrice, il ne dispose que de quelques jours pour résoudre l’énigme et déjouer un monstrueux attentat…
Peut-être pourrait-il aussi nous aider à éclaircir ce phénomène d’apparition spontanée – et massive – de spectateurs dans les salles…
En effet, alors que l’accès aux séances ne posait pas de problèmes les premiers jours du festival, ce n’était pas le cas aujourd’hui, avec une affluence en très nette hausse et des salles affichant complet, au grand dam des spectateurs restés sur le carreau.
La petite salle du Morny mise à disposition pour le festival s’est avérée bien trop limitée pour accueillir les nombreux festivaliers du samedi, venus rattraper les films en compétition. Même chose pour la salle du casino, pleine à craquer pour les films “Action Asia”. Du coup, cela a généré pas mal de frustrations et d’énervement chez tous ceux qui ne sont venus que pour la journée.
Il faudra peut-être revoir les capacités d’accueil pour l’an prochain… Evidemment, la salle du casino peut difficilement être agrandie, mais on ne peut que suggérer aux organisateurs de louer la grande salle du Morny pour permettre aux spectateurs de voir un maximum de films, au moins pendant le week-end…
Du fait de cet afflux de spectateurs et de l’enchaînement des séances à un rythme très rapproché, je n’ai pas pu rattraper, comme prévu, La Ballade de l’impossible (pour le coup, c’était vraiment impossible…), ni Mr & Mrs Incredible, ni voir Wind blast, le dernier film de la compétition “Action Asia”.
Mais apparemment, je n’ai rien raté… Les festivaliers qui l’ont vu parlent de “film incompréhensible”, “confus”, “sans queue ni tête”… Bref, pas très engageant.
A la place, je suis allé voir The Piano in a factory, film du chinois Zhang Meng, et je n’ai pas regretté ce “second choix”. Il s’agit d’une comédie qui évoque, de par ses personnages marginaux au grand coeur et l’ambiance, toute en musique folklorique et en beuveries épiques, les oeuvres colorées d’Emir Kusturica ou d’Aki Kaurismaki.
Ici, pas de prise de tête ou de déluge d’hémoglobine, juste une belle histoire d’amour entre un père et sa petite fille. Chen, un marginal sans le sou et en instance de divorce, lutte pour la garde de son enfant. Il se persuade qu’elle restera avec lui s’il lui offre un piano pour lui permettre de continuer à jouer et à s’exercer. Mais, comment faire sans argent ? Le voler ? Difficile d’emporter un instrument aussi encombrant… Alors il décide d’en construire un, dans l’usine de métallurgie désaffectée voisine, avec l’aide de quelques amis et de sa nouvelle compagne…
Avec humour et poésie, le cinéaste livre une oeuvre toute simple, belle et lumineuse, qui expose aussi, en filigrane, les conséquences des mutations de la société chinoise, tant au niveau de l’urbanisme que des comportements…
Demain dimanche, dernière journée du festival avec un dernier film en compétition, Cold fish de Sono Sion, qui s’annonce aussi barré que les précédents films du cinéaste, la suite des séances de rattrapage et Maudite pluie!, film sur les dramatiques conséquences du dérèglement climatique pour les paysans indiens. Et évidemment, le verdict des différents jurys lors de la cérémonie de clôture…
A demain, donc, pour la suite – et la fin – de ces chroniques asiatiques…