Sarkozy sait-il encore ce qu'il fait ? Et sait-il encore ce que présider la France veut dire ? Au vu des problèmes qu'il contribue lui-même à générer, des atermoiements, des revirements de positions, des mises en difficultés qu'il suscite ou des protections indélicates qu'il s'est évertué à maintenir : on peut largement en douter.
Il a, dit-on, brusquement perdu son socle électoral de premier tour, qui était jusqu'ici assez stable en intentions de vote. Il a notamment chuté sur les thématiques régaliennes et chaque jour davantage, il rend possible la qualification de Le Pen lors de la présidentielle contre son propre camp. Car ce qui fait parler aujourd'hui, ce n'est pas tant la validité et la qualité des sondages car, comme lors des précédentes échéances, systématiquement à plus d'un an, c'est souvent l'inverse de ce qui est prédit qui se déroule.
Non, le fait le plus marquant, c'est la chute de Sarkozy d'un socle pourtant traditionnel, décrochage inéluctable tant l'interessé va de revirements en déconvenues, d'échecs en désaveux. Un socle qui avait résisté malgré la longue liste des avatars de la présidence Sarkozy : promesses non tenues, allers et retours comme sur le bouclier fiscal, abandon de positions pourtant fortement affirmées... Sarkozy apparaît pour un nombre grandissant comme incapable de décider et de faire appliquer la moindre idée.
Sa mise en cause des magistrats a eu un impact désastreux sur son électorat au regard de l'estime recueillie par cette profession dans la population, tout comme les grèves de la faim de CRS, dont les casernes étaient menacées de fermeture, la lente dégringolade d'Alliot-Marie et ses explications nébuleuses dont le départ a trop tardé en pleine révolution arabe, l'absence de réponse de l'exécutif face à ces événements, les déboires diplomatiques d'un ambassadeur se réclamant "sarko-boy", resurgence clinquante au moment où Sarkozy voulait se redonner une image de "vrai président" dont il n'aura jamais réussi à se draper ...
Enfin, l'image d'une France abîmée à l'extérieur est peut-être encore plus insupportable aux yeux des électeurs de la droite traditionnelle attachés à un certain rayonnement de leur pays.
S'ajoute l'éloge des racines chrétiennes de la France que cette frange de l'électorat juge hors de propos, elle qui n'a apprécié qu'on chasse les Roms (souvenons-nous des propos même du Vatican ...) puis le limogeage d'un conseiller à la diversité et le clash avec les musulmans... autant de prises de positions qui, consenties ou assimilées à des erreurs, fonctionnent comme des vases communicants pour le FN et le décrochage Sarkozyste qui apparaît de plus en plus "durable".
Alors la majorité est tendue. Certains se lâchent (Brunel ...), les satellites s'interrogent (Borloo, Morin), les concurrents observent (Copé, Fillon, Juppé...), les ennemis négocient (Villepin ...) car l'hypothèse d'un autre 21 avril, à l'envers ou pas, commence à être "envisagée". Même le resserrage des rangs à Gauche va devenir, lui aussi, une question qui se posera à un moment donné pour que la Gauche soit au moins qualifiée pour un second tour ...
Si Sarkozy envisageait un temps, de soutenir une candidature Borloo, dans un intérêt électoral bien compris celui d'évacuer Bayrou et de drainer des voix centristes jusqu'à lui, précieuses pour le second tour, la tournure du paysage politique à un an de l'échéance, fait émettre des réserves par celui qui n'a qu'un objectif : inverser des tendances, déjà jugées très lourdes.