L’addition de talent ne fait pas tout, et ce remake volé d’Anthony Zimmer (Jérome Salle, 2005) n’en fait pas exception : ajouter deux acteurs bankables, un réalisateur étranger au cinéma pointu, mettez dans le même bateau et ils finiront à Venise, à pataguer dans trente centimètres de vase. Ce touriste n’a décidément pas l’allure de grandes vacances, mais bel et bien l’effet d’un anesthésiant sans douleurs.
The Tourist reprend la trame du film avec Sophie Marceau et Yvan Attal, habile thriller français assez étonnant ; une mystérieuse femme embarque au hasard un homme alors qu’elle est poursuivi par la justice internationale et la mafia russe, en leur faisant croire que ce quidam serait un dangereux délinquant financier. Après moultes casting, la doublette a donc échu à Angelina Jolie (après Charlize Theron) et Johnny Depp (remplacant Sam Worthington, qui remplaçait Tom Cruise). Pire, à la barre de la gondole, on retrouve avec joie Florian Henckel von Donnersmarck (après Lasse Hallström, Bharat Nalluri et finalement le réalisateur allemand, qui a quitté le navire pour mieux y revenir), lauréat de plusieurs récompenses pour le très fort la Vie des Autres. On le voit, la production n’est pas un long fleuve tranquille, et tout ce petit monde s’est donc retrouvé pour tourner ce film entre la France et l’Italie. Un package très classe pour le studio, qui devait alors croire en ses chances de sortir le bijou de l’année… Loin s’en faut.
Le souci évident du film est de vouloir osciller entre film dramatique (dialogues, scènes très posées…) et un rythme de thriller, entre course poursuite et mystéres mystérieux. Hors donc, le réalisateur sait distiller des ambiances ; son premier film repose en partie là dessus. Sauf que lorsqu’il s’agit d’envoyer Depp et Jolie à Venise pour se coltiner une double menace et un jeu à trois (hem..), « distiller » ne suffit plus. Assez soporifique en soi, le film ne repose que sur une lancinante musique relativement continue, baignant le film dans un chloroforme sonore pour mieux masquer l’inconsistance des scènes. Entre fond vert utilisé à gogo (on ne le dira jamais assez, mais si vous êtes sur place, autant tourner sur place – voir Quantum of Solace), raccourcis sans raison (Paris-Venise en quelques heures en train? Si la ligne existe…), et inutilité de l’intrigue (les américains choisissant d’expliquer au spectateur la manoeuvre, qui fait tout le sel de l’histoire – là où Antony Zimmer nous manipulait sympathiquement), le film est formaté pour la salle américaine moyenne. Dur de se plonger dans ce marasme sans intérêt, et on vous conseillera plutôt d’aller voir ailleurs si on y est. Tiens, pour une fois dans un film français…