Peut-on à la fois être juge - critique littéraire influent - et partie - écrivain à succès - sans pour autant risquer de " gangrener " le milieu littéraire ?
C'est la question que s'est posée l'observatoire des médias Acrimed, en se penchant sur le cas de Jérôme Garcin. Depuis 1989, il anime et produit l'émission Le Masque et la Plumesur France Inter, suivie par 600 000 auditeurs chaque semaine. Egalement directeur délégué de la rédaction au Nouvel Observateur - dont il dirige également les pages Culture - Jérôme Garcin jouit d'un ascendant considérable sur le milieu littéraire français. Aussi, il est indéniable qu'un livre encensé par les critiques présents dans l'émission verra ses ventes en librairie croître.
Il est donc légitime de se demander s'il est moral, lorsque l'on exerce le métier de critique réputé et influent, d'être également l'auteur de livres qui seront ensuite loués dans les pages culturelles de la presse ou dans les émissions littéraires. En 1990, dans Lunettes noires pour nuits blanches, présenté par Thierry Ardisson, Jérôme Garcin avait donné son opinion : " Je crois que l'on ne peut pas faire ce métier de critique littéraire, de journaliste culturel [et être écrivain]. On ne peut pas être juge et partie. [...] Je n'arrive pas à penser sérieusement que l'on puisse dire ce que l'on pense chaque semaine, sinon chaque jour et en même temps aller soumettre aux confrères tous les ans sa petite production. Je crois que c'est ce qui a gangréné ce milieu ... " .
Or, dans l'émissionL'atelierdu 8 janvier dernier, présentée par son confrère de France Inter Vincent Josse (et ponctuellement intervenant dans Le Masque et la Plume), Jérôme Garcin a tenu un discours aux antipodes de celui proféré vingt ans plus tôt : " Etre écrivain tout en étant journaliste ou critique ne me paraît absolument pas incompatible. [...] Je crois que l'on peut faire les deux, pourvu que les deux activités ne s'interpénètrent pas. Alors, ça tient aussi peut-être au fait que je les vis moi de manière très saine... ".
Outre ce désaveu de Jérôme Garcin- devenu, entre temps un écrivain reconnu, lauréat du Prix Médicis en 1994-sur la nécessaire impartialité du critique, c'est l'endogamie du milieu littéraire qui est pointée du doigt par l'article de l'Acrimed.
Jérôme Garcin est en effet très régulièrement invité dans les émissions littéraires de ses pairs : depuis début 2006, il a été convié cinquante-quatre fois sur les ondes de Radio France pour intervenir en sa qualité d'écrivain. Et même si, à l'instar d'Elisabeth de Fontenay qui anime Vivre avec les bêtes sur France Inter et qui recevait Jérôme Garcin le 16 janvier dernier, la plupart des critiques insiste sur la distinction entre les deux fonctions de Garcin, la frontière entre le journaliste et l'écrivain semble pour le moins ténue.
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