Alors qu’on n’en parlait pas en France il y a encore quelques mois, les gaz non conventionnels (GNC) ont fait une entrée remarquée dans le paysage énergétique. C’est aux États-Unis que les techniques d’extraction de ces gaz emprisonnés dans des roches comme le grès ou le schiste se sont perfectionnées et ont ouvert l’accès à de nouveaux et très importants gisements.
Les conséquences sont de taille car face à la déplétion des ressources pétrolières, ces gaz pourraient représenter près du double des réserves de gaz dits “conventionnels”.
Au total, le monde serait ainsi assuré de disposer de bien plus d’une centaine d’années de consommation si celle-ci se poursuivait à son rythme actuel. L’impact de ces nouvelles ressources sur les prix du gaz est déjà sensible. La crise économique et la baisse des importations aux États-Unis ont libéré des quantités de gaz qui se reportent sur d’autres marchés, tirant les prix spots vers le bas sur les autres continents, phénomène remarquable à une période où le prix des matières premières a tendance à augmenter.
Cette baisse est néanmoins difficilement perceptible par le consommateur français, pour lequel le prix du gaz, indexé dans des contrats de long terme à plus de 80 % sur le prix du pétrole, continue d’augmenter.
Les équilibres énergétiques sont modifiés, de nombreux usages s’orientant aujourd’hui vers le gaz au détriment du charbon, du nucléaire – dont la reprise se trouve différée –, et même des énergies renouvelables. Considérés par certains experts comme la plus grande révolution énergétique des dernières décennies, ces gaz suscitent néanmoins des interrogations quant à l’impact de leur exploitation sur le réchauffement climatique, sur l’environnement (bruit, émissions, emprise au sol, risque de pollution des nappes phréatiques, utilisation de grandes quantités d’eau) et sur les activités économiques qui lui sont associées.
En France, les autorisations de permis de recherche ont récemment déclenché une controverse. Les ministres en charge de l’industrie et du développement durable ont lancé au mois de février 2011 une mission d’information dont les résultats doivent être communiqués en juin 2011. Les calendriers de travaux des industriels ont été adaptés pour tenir compte de cette mission, et aucun travail d’exploration n’aura lieu d’ici la fin de la mission.
Qu’est-ce qu’un gaz non conventionnel ?Les GNC se différencient des gaz traditionnellement exploités par la nature géologique des formations qui les contiennent. On en distingue trois grandes sortes :
- les gaz de houille sont connus depuis longtemps mais exploités seulement depuis 1980. Il s’agit du fameux grisou (coalbed methane, CBM en anglais) ;
- les tight gas, ou gaz de réservoir compact, sont retenus dans des grès (sandstone), également exploités depuis plusieurs années ;
- les gaz de schiste (shale gas) sont piégés dans des couches sédimentaires, à l’origine riches en limon et en matières organiques, situées à 2 000 ou 3 000 mètres de profondeur. Ce sont eux dont l’exploitation croît rapidement et qui sont à l’origine de la révolution actuelle, si bien qu’on assimile souvent GNC et gaz de schiste. Aux États-Unis, s’ils comptaient pour 1 % de la consommation énergétique totale en 2006, ils en représentent 17 % aujourd’hui selon l’Energy Information Administration américaine (EIA).
Les gaz non conventionnels sont connus depuis longtemps, mais leur exploitation semblait trop coûteuse pour être envisagée à grande échelle. À la faveur des prix élevés des hydrocarbures en 2008, les techniques de production se sont soudain améliorées, conséquence d’une véritable rupture technologique.
La possibilité d’exploiter de nouvelles et importantes ressources en gaz a changé la donne, risquant de modifier profondément le paysage énergétique mondial, le gaz redevenant extrêmement compétitif par rapport aux autres énergies.
Si les GNC apparaissent comme une réponse possible aux contraintes sur les ressources, leur exploitation doit cependant respecter l’environnement et tenir compte des réticences de l’opinion publique.En tout état de cause, des solutions utilisant toutes les connaissances techniques sur le sujet et s’adaptant aux conditions locales devraient être trouvées.
En France, afin de confirmer la présence de quantités importantes de gaz non conventionnels dans le sous-sol, le ministère en charge de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM) a octroyé trois permis d’exploration en avril 2010.
Aujourd’hui les associations écologistes et la population locale se mobilisent et demandent le report, voire l’interdiction des projets d’exploitation. Les ministres de l’environnement et de l’énergie ont donc lancé début février une mission pour évaluer les enjeux, en négociant avec les industriels la prise en compte de l’existence de la mission dans leur programme de travail, de sorte qu’il n’y aura pas de campagnes de forages exploratoires ni d’opérations techniques de terrain jusqu’à la remise du rapport final attendu pour juin avec un bilan intermédiaire en avril 2011.