loppsi 2 : le verre d’eau est-il à moitié vide ou à moitié plein ?

Publié le 11 mars 2011 par Mister Gdec

 Ce matin, France Info m’apprenait que le Conseil Constitutionnel avait retoqué 13 articles de la Loppsi 2. ô joie. De courte durée : le gouvernement s’est aussitôt  rengorgé, bombant du torse, les éléments rejetés étant selon lui (forcément…)  mineurs.

 3 heures plus tard, changement de registre, toujours sur France Info, où j’apprends que la teneur des 13 mesures en question n’est pas si anodine.. :

 -   possibilité pour un procureur de convoquer directement un mineur devant le tribunal des enfants sans passer par le juge des enfants. : rejeté

 -  peines planchers pour les mineurs (jusqu’ici réservées aux seuls récidivistes): rejeté

 - possibilité de punir pénalement un parent dont l’enfant n’aurait pas respecté la mesure de couvre-feu : rejeté

 - possibilité pour les policiers municipaux de pouvoir effectuer des contrôles d’identité : rejeté

 - vidéosurveillance confiée à des sociétés privées :  rejeté.

 Bon cela ne fait que 5. Où sont les autres ? J’avoue en effet avoir eu beaucoup de mal à trouver la teneur exacte des 13 mesures rejetées, et je plains le pauvre citoyen lambda qui voudrait s’informer utilement sur le sujet comme j’en ai éprouvé le besoin, tant cela m’est apparu fastidieux, et je ne dois d’avoir trouvé la réponse à ce sujet qu’à ma seule obstination… (« tête de vosgien, tête de chien ! »). Où ça ? Chez Médiapart ! (merci qui ? Denis Meriau !)

 - évacuation forcée de terrains occupés illégalement par d’autres personnes : rejeté (j’ai pensé avec émotion, notamment, à mes amis des logements éphémères… qui doivent être là bien soulagés)

- aménagement de salles d’audience au sein des centres de rétention : rejeté

 Suivent ensuite les articles manquants à propos desquels le Conseil constitutionnel s’est saisi lui-même pour prononcer une annulation (totale ou partielle ) (voir ici  et ici pour plus de détails).

 Cependant, on ne touchera pas au quatrième article, au grand dam de certains, qui y voient une possibilité de censure du net allant bien au delà des dangers prétextés, celui-ci permettant de bloquer les sites pédopornographiques (jusqu’ici, tout va bien),  mais sans passer par un juge, ce qui pose tout de même problème dans une société prétendument démocratique.  En effet, la décision ne sera pas judiciaire, mais purement administrative, et du seul ressort de l’Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, ou OCLCTIC.

 « Cette décision sur l’article 4 est une grande déception. Il est évident que la censure d’Internet ne résoudra rien à la pédopornographie, comme en témoignent les expériences menées à l’étranger. Après les mesures de suspension de l’accès à Internet de la loi Hadopi, les appels à l’interdiction de l’hébergement de WikiLeaks et les discours contraires à la neutralité du Net, la France glisse un peu plus dans le camp des pays hostiles à l’Internet libre en instaurant la censure administrative du Net » Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net.

Ce qui fait titrer l’express sur « Bienvenue en République populaire de France », puisque le net va bientôt finir par être aussi encadré, contrôlé et limité qu’il l’est en Chine…. Belle évolution sociétale, ma foi… En effet, même des syndicats professionnels qui savent certainement de quoi ils parlent, comme la CFE-CGC et l’Unsa Télécoms viennent appuyer les prises de positions des « cyber-activistes » :  ils estiment en effet que, « inefficace contre la cyber-criminalité, la Loppsi 2 est d’une toxicité avérée contre la démocratie et le libre fonctionnement d’Internet, tout en créant de dangereux précédents vers une société de surveillance des citoyens ». Cette nouvelle disposition viendra donc très certainement aggraver la position de la France dans un palmarès déjà pas très glorieux qui nous classait  déjà l’année dernière parmi les pires nations d’Europe en matière de libertés individuelles.

 Malgré le Communiqué du NPA, et les diverses réactions politiques, à gauche, bien moins mesurées que la mienne, je considère donc qu’il me semble difficile de crier victoire, même s’il est fort heureux que certaines dispositions aient été refoulées par Conseil constitutionnel. C’était nécessaire, mais pas suffisant, pour garantir le strict respect de nos libertés. Notre système démocratique se voit donc là bien malmené, même si le fait que certains articles soient ainsi rejetés constitue, comme d’autres le diront dans les heures qui viennent, un sérieux camouflet pour le gouvernement.

j’aurais donc bien voulu que les médias traditionnels nous apportent une information sur le sujet un peu plus équilibrée que celle qui consiste à tantôt crier victoire du côté du gouvernement comme de celui de l’opposition (ce qui me semble un peu incohérent…) , ou tantôt centrer l’information soit du côté juridique traditionnel, soit du côté de la défense des libertés sur internet… alors que tout me semble lié : la tendance générale à restreindre les libertés et les droits individuels (tout en favorisant les libertés économiques…) est en effet selon moi  une orientation un peu trop habituelle de l’Etat sarkozyste.

 

d’autres billets sur le sujet :

-  bug brother

-  Samuel Laurent dans Le Monde

- l’ami Des Pas Perdus

- Korben

- Ménilmuche

- humeurs de Jean Dornac