Difficile d’expliquer les castes ! Voilà un texte qui peut vous aider à comprendre…
C’était un beau verger au milieu d’un jardin, le tout dans la grande cour d’un palais du Rajasthan.
Un groupe de pommes réuni à l’ombre d’un banyan discutait des affaires en cours et on voyait les pommes, deux à deux, conclure des transactions.
Un groupe d’oignons arriva et demanda à la pomme qui tenait un étal d’épicerie un kilo de riz. La pomme servit les oignons sans amabilité particulière.
Puis une banane se pointa, seule. Plusieurs oignons l’écartèrent et passèrent devant pour être servis en premier. La banane s’inclina.
Lorsque son tour arriva, la pomme la toisa d’un regard supérieur et lui demanda si elle avait assez d’argent pour acheter. La banane en avait un peu et repartit avec quelques grammes de petits pois.
Alors que le groupe de pommes était toujours assemblé sous le banyan, deux poires passèrent au loin. Respectueusement les pommes les saluèrent.
Il est vrai que les poires se tenaient souvent à distance des pommes. La plupart des poires étaient fières de penser qu'elles avaient un destin bien plus noble ; n'était-il pas mieux considéré d'avoir comme dessein une charlotte aux poires ou des sorbets de poires, plutôt qu'une vulgaire compote de pommes tout écrasée ? Il est vrai que les poires étaient aussi les plus instruites ce qui, à leurs yeux, justifiait la supériorité qui leur était reconnue.
Tout ce monde se retrouvait cependant ensemble dans le temple et vénérait Krishna. Les poires avaient leur place réservée au centre du temple dans lequel une poire belle-hélène conduisait les pujas ; derrière les poires les pommes s’assemblaient. Les oignons se tenaient à l’écart et les bananes devaient rester à l’extérieur.
Dans l'armée du Maharadjah, les officiers étaient majoritairement des poires, mais il y avait quelques pommes. Cela ne posait aucun problème au sein de cette armée, et les poires travaillaient facilement avec les pommes, voire avec les oignons; en effet tous les fruits et légumes étaient au service du Maharadjah,. Il y avait aussi des bananes dans l'armée du Maharadjah, mais elles s'occupaient en général de soigner et de nourrir les éléphants.
Lorsque l’équipe locale de cricket remporta le tournoi des environs, l’une des poires fut choisie pour remettre le trophée à l’équipe composée tout aussi bien de poires, de pommes, d’oignons. Mais l’équipe ne comportait pas de bananes. Poires, pommes, oignons et bananes firent la fête, mais sans se mélanger.
Une des roses du jardin, habituée à voir et surtout à observer tous ces fruits et légumes dans leur vie quotidienne, comprenait bien les différences. La rose savait que la vie des fruits et des légumes obéissait à un cycle éternel mais elle savait aussi qu'il y avait plusieurs vie pour chacun de ces fruits ou légumes et qu'un oignon pouvait très bien se réincarner en pomme par la suite. Chacun ayant ainsi l'espoir d'une vie future meilleure. Ce qu’elle comprenait moins bien, c’était que les poires avaient aussi entre elles leurs propres différences. Les poires belle-hélène regardaient de haut les poires William… C’était ainsi depuis trois millénaires.
Sa rose de voisine trouvait que tout était normal et ne voyait rien à redire à ces différences. « Il est normal que les poires restent entre elles car elles sont identiques, et ainsi en va-t-il des pommes et des oignons et même des bananes. Les poires n’ont pas le même goût que les pommes et cela ne changera jamais. Quant aux oignons ils viennent de sous la terre et sont donc impurs. En plus, ils font pleurer. Pour les bananes, quelle anomalie que ce fruit, on glisse sur ses peaux et çà pourrit très vite ».
Cela se passait dans un beau verger au milieu d’un jardin, le tout dans la grande cour d’un palais du Rajasthan... à une date qui n’a pas d’importance…