« Marine Le Pen en tête dans tous les cas de figure, quel que soit le candidat socialiste, et Nicolas Sarkozy éliminé au premier tour de la présidentielle en cas de candidature de DSK : on n’a pas fini d’entendre parler du sondage – en deux temps – de l’institut Harris Interactive/Le Parisien. Faut-il une loi pour réguler les sondages ? Faut-il contraindre les instituts de sondages à publier un intervalle de confiance pour chaque candidat ? Le débat bat son plein.
Lundi matin, dans le « 7-9″ de France Inter, Robert Badinter avait, pour sa part, décidé de sonner le tocsin. De cette voix qui hante encore parfois les chroniqueurs judiciaires qui l’ont entendu plaider, le grand avocat s’était fait procureur. « Je rappelle qu’il y a, en France, six millions de musulmans dont la plupart sont des citoyens français (…) Aujourd’hui, on en arrive à les isoler, à les stigmatiser, ou à faire en sorte qu’ils se ressentent comme tels. Et moi, ça me révolte ! » D’un même souffle, il avait poursuivi : « A quoi tous ces colloques sur l’identité nationale et sur l’islam aboutissent-ils sinon à donner le sentiment à ces hommes et à ces femmes qu’ils sont mis à part. Une espèce de ghettoïsation morale ! C’est in-sup-por-table ! Et il est temps d’en finir avec cela ! (…)
Alors, que Mme Le Pen en tire profit, c’est évident, enchaîna l’ancien garde des sceaux de François Mitterrand. Le national-populisme triomphe à travers toute l’Europe. Mais qu’ici même on s’obstine, non ! Pensons à ces millions de personnes, qui sont nos compatriotes, qui sont musulmans, tous ont le droit de vivre comme les autres et n’aspirent qu’à cela. Il y a une délinquance dont une partie… Et alors ? En quoi est-ce que cela concerne ces millions de citoyens français ? Je rappelle que nous sommes une République laïque. Je rappelle que nous sommes une République dans laquelle il ne doit y avoir aucune discrimination en fonction de la religion. Alors, assez ! » A peine une respiration, et il reprit : « J’ai entendu, avec stupéfaction, parler de citoyens français d’origine musulmane. Vous imaginez ce que ça veut dire ? Ça m’a ramené au moins soixante ans en arrière, quand il y avait des citoyens, français ou non, d’origine juive. Assez avec ça ! Il faut en finir avec cette agitation ! »
Il fallait conclure. La voix se fit menaçante : « Ce sondage a une double valeur. Il est un avertissement terrible pour la droite – je pense au colloque que certains veulent organiser, car tout ce qu’ils font dans ce domaine profitera en définitive à Mme Le Pen. Et il est un avertissement pour la gauche. Car, rappelons-nous, c’est la division de la gauche qui a entraîné la présence de Le Pen au second tour de l’élection présidentielle (…). A la gauche de mesurer que les divisions, l’éclatement des candidatures, et je ne parle pas seulement du Parti socialiste, c’est autant d’avantages pour Mme Le Pen. Et l’on en connaît les fruits amers… «