Mon métier : Designer globetrotteuse par Emilie Voirin

Par Vincent Espritdesign @espritdesign

Venons à la rencontre d’Émilie Voirin, jeune designer française entre Londres et Metz, aimant les belles histoires et les voyages, elle donne un sens tout particulier à ses réalisations.

Bun Box par Emilie Voirin

- Peux tu nous expliquer ton parcours, formations en quelques mots ?

J’ai intégré l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris, où je me suis spécialisée en design d’objets, après avoir passé trois ans d’études à l’Ecole Nationale Supérieure d’Arts de Nancy,  j’ai été invitée à étudier à l’Ecole HFG de Karlsruhe en Allemagne.

Durant ces années j’ai développé une pluridisciplinarité. Puis je suis arrivée à Londres pour effectuer un stage chez Tom Dixon.

- Travail tu dans un studio, agence ?

A Londres je travaille dans un atelier que je partage avec un autre designer de produits; j’ai une annexe en France, à Metz lorsque j’ai des projets avec des artisans locaux.

- Je vois que tu as travaillé dans de nombreux pays, cela est-il un plus ?

Voyager ouvre les yeux et élève l’esprit.

- Peux tu définir ton travail en un mot ? Un objet ?

Narration ?

Almost Usual Hair Objects par Emilie Voirin

Hand-blown glass par Emilie Voirin

- Quels sont les designers qui vous inspirent ou que vous appréciez particulièrement ?

Bien que mon propre travail soit narratif, j’ai une préférence pour le design plus industriel. Je ne trouve pas mon inspiration dans le travail des autres mais je l’apprécie. Je suis curieuse des nouveautés de Nendo et de Konstantin Grcic.
Je ne me lasse pas de Jean Prouvé, de Charles et Ray Eames.

- Quelle a été ta première création ?

Je fabriquais des sachets de thym “odorants” que je vendais ensuite à mes parents, j’écrivais des poèmes sur les nappes en papier au restaurant.

- Parmi tes créations quelle est celle que tu aimes le plus ? La plus Fière ?

J’essaie de ne pas avoir trop de sentiments vis à vis de mes créations bien qu’elles soient, souvent, le fruit de mes propres états d’âme. Je suis très critique.

- Certaines de vos pièces sont assez techniques, quels pièces ont été les plus difficiles à réaliser ?

Les pièces les plus difficiles à réaliser sont celles que je n’aurais pas pu faire moi-même. Il s’agit alors de laisser le travail entre les mains qualifiées d’un artisan. C’est le cas pour le rotin, le verre soufflé…

Vente Lamp par Emilie Voirin

Vente Lamp par Emilie Voirin

- Quelles sont tes influences ?

Mon goût de l’objet vient probablement de mon père qui est un féru d’antiquités. Nous sommes une famille de conservateurs d’objets, on accumule des tas de trucs. Je suis observatrice et sensible au monde qui m’entoure; j’en tire des réflexions quotidiennes qui sont souvent mes influences.

- Chez toi c’est comment ?  Ton environnement de travail ?

A Londres je vis dans une maison qui était auparavant un hangar de fabricants de meubles. Je suis une glaneuse et j’ai tendance à donner de l’importance au moindre petit objet, j’amasse donc beaucoup de choses.

Emilie Voirin ses ateliers

Emilie Voirin ses ateliers

- Pour toi, le plus important dans une création est ? La Praticité ? La Poésie ? L’Usabilité ? La Processus de création simplifié ?… L’humour ?

En matière de design de produits industriels l’usabilité est primordiale agrémentée d’une esthétique simple mais séduisante. Cependant il existe des objets de design porteurs de messages qui sont à la fois usuels et spirituels. Il s’agit d’un autre registre d’objets constitués de valeurs cognitives.

- Un conseil à donner au personnes désireuses de se lancer et de devenir designer ?

De nombreux designers indépendants ne vivent pas de leur travail, ils ont des ressources complémentaires (job d’appoint, freelance, enseignement). C’est important de savoir qu’il faut être endurant et persévérant et que rien n’est jamais acquis.

-  A quoi ressemble une journée type pour Emilie Voirin?

Je consulte mes boites mails et les journaux de design online. J’établis un programme. J’apporte des petits objets pour le stock d’une boutique.

J’ écris, dessine, maquette.

La journée de travail s’étend entre 9h et 22h, de façon flexible, avec des moments en dilettante tels qu’une session de sport – essentiel pour le mental et l’endurance. Si je travaille avec quelqu’un (partenaire, stagiaire) les horaires sont un peu plus stricts.

- Que penses-tu de l’effervescence autour de la déco, du design ces dernières années à la télévision et sur internet ?

Il y a un phénomène de vulgarisation qui est à la fois informatif, et de starification, comme beaucoup d’informations diffusées à grande échelle et à un large public.

Independent Arm par Emilie Voirin

- Comment choisis tu tes projets ? Travails tu en équipe ? En solo ? Au felling ?

Je travaille seule mais je suis pour les collaborations. J’élabore mon site web avec mon ami le graphiste allemand Nicolaz Groll.
J’ai travaillé avec un ami pour le projet Madeinchina, nous avions aussi une collaboratrice chinoise sur place, à Pékin.
De nouvelles associations pourraient se mettre en place entre Paris et Londres et peut être entre Londres et Boston.
Je participe aussi à des tables rondes de recherche à Paris sur l’évolution sociétale, comportementale, innovante et de la consommation.

- Quelle est ta méthode de travail ?

Le point de départ de tout projet est une réflexion suivie d’écrits. Ensuite je dessine à main levée, je me renseigne sur le matériau abordé avant de définir les formes, qui seront parfois modifiées en fonction des contraintes techniques.

Ses croquis, Emilie Voirin

- Où puises tu ton inspiration ? Expérience, livre, voyage…

Mes inspirations prennent racine dans ma mémoire, mes observations, mes réflexions, mes expériences, mes rencontres, mes confrontations, mes lectures, mes voyages…

emmanuelle par Thomas Lagache et Emilie Voirin

MadeInChina par Emilie Voirin, Daniel Schludi et Nicolaz Groll

- Consultes tu régulièrement des livres, sites, blogs consacrés au design ? Si oui lesquels ?

Je parcours souvent les journaux du design et de l’art online, quelques blogs. J’achète pas mal de livres et de magazines que je feuillette de manière aléatoire. Je lis aussi des essais sur l’art contemporain. Je viens de me mettre à l’écoute de podcasts de littérature et sciences humaines, c’est un peu ma récréation.

- Est-il facile d’être une femme “designer” ?

Je pense que la réponse tient dans la question, sans quoi la question n’aurait pas raison d’être posée…

- As tu une définition du “design” ?

Mise en forme d’une solution, d’une réflexion, d’un concept, dans un contexte culturel et social (et économique lorsqu’il s’agit de production de masse).

- Quels sont vos passions, vos loisirs, en dehors du design ? Un designer a-t-il une vie en dehors du design…

Les designers sont très obsédés par leur travail mais je pense qu’ils trouvent tous des moments de répit. Me concernant, je fais du yoga, de la danse, je glane des choses, je fouille les rues, je parcours les marchés, je cherche de bonnes excuses pour acheter un billet d’avion.

jewel for concert par Emilie Voirin

- Ou te vois tu dans 5 ans ? 10 ans ?

Étant donné que je déménage tous les ans, j’ai du mal à imaginer ma vie dans 5 ans. J’aimerais continuer à travailler à la croisée du Design, de l’Art, de l’écriture, de l’espace (installations, scénographies…), ouvrir les champs d’exploration.

- Que pensez-vous de vos confrères ?

J’ai un avis différent sur chaque personne, designer ou non. Je ne peux pas parler de façon globale de “ la communauté des designers”.

- Quels sont vos projets encours ?

De nouveaux modèles de chaises en rotin destinés à être vendus à des musées. Divers projets en Chine don’t une exposition en duo dans une galerie à Hong Kong en Mai 2011.
Un workshop au Mudam Luxembourg pour les 5 ans.
De l’écriture…

- Les prochains ?

De nouveaux objets pour des expositions et des projets plus prospectifs.

- Celui que vous auriez aimé réaliser ?

J’aimerais travailler à plus grande échelle, que ce soit dans la série industrielle (plus grande production), dans l’espace (scénographie, vitrines) ou l’installation artistique (plus grande dimension).

- Pourquoi accepter de répondre à mes questions ?

Parce que tu es venu me saluer avant ma performance à  la Biennale de Design  de Saint Etienne, parce que je trouve tes questions pertinentes, parce que c’est important d’exposer son travail quand on est un jeune designer.

Merci Emilie de prendre le temps de répondre à mes questions, pour ta gentillesse et disponibilité à la biennale du Design de Saint Étienne 2010.

Son site : Emilie Voirin

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