Tout l’équilibre que je cherche dans un roman y est : de la tendresse, sans tomber dans le gnangnan, de l’action, sans tomber dans les montagnes russes, du message, sans la voix moralisatrice, du style, sans qu’on voit l’auteure écrire. L’histoire avant tout !
La petite, c’est Hélène, mais appelez-la Joe. Dans l’idéal le plus pur, elle aimerait s’appeler Oscar, comme l’héroïne de son émission culte. Oscar est une femme, apparaissant sous les traits d’un homme qui accomplit des exploits grâce à son stoïcisme. Ce modèle de courage stimule au dépassement sa vie d’enfant de 8 ans, qui s’en donne 10. Son idole lui donne des ailes, pas pour survoler, pour vivre son quotidien de plein fouet. Une vie de petite soldate du quotidien. Quel courage elle a de se lever en fin de nuit pour aller distribuer les journaux, et à 12 ans (donc 10), à servir dans une salle de bingo jusqu’à 22 h, tout en se levant pour l’école le lendemain. On est loin de l’enfant roi, ou reine ! Elles sont quatre soeurs à être élevées par une mère qui, à l’heure actuelle, se ferait traiter de marâtre. Et un père professeur qui gère sa mélancolie en la noyant, mais en ne dérangeant personne. Ou à peine.
La force de ce roman est la narration. J’essaie encore de comprendre comment Marie-Renée Lavoie est arrivée à passer avec autant de naturel de la narration à voix adulte en nous ramenant sans cesse dans la tête d’Hélène. Et dans son corps, car elle bouge beaucoup ! Hélène inspirée de son glorieux modèle se distingue de ses sœurs, surtout de l’aînée son antagonisme avec son scepticisme bien ancrée. Ses sœurs plus petites, elle les aime et en prend soin. Elle a à cœur d’aider, de surmonter les difficultés et son caractère. Y arriver comme son idole ! Mais pas miraculeusement, avec des difficultés réalistes et crédibles, entraves qu’elle nous transmet sans ambages, avec le charme de la vitalité vivifiante des enfants.
Et le vieux, lui ? Eh bien, on est face à de grandes affinités avec Joe qui commence sa vie et Roger qui la termine. Ce vieil homme bourru et ivrogne parait désabusé mais il ne l’est pas tant que ça. Plus ces deux là s’aiment, plus ils se chamaillent. Et plus ils se protègent en cachette un de l’autre. La fierté est l’émotion intime qui les unit. La relation sort des clichés. Ne vous attendez surtout pas à la mignonne petite qui obéit et le vieux gâteux qui flattent l’égo pour plaire.
Le personnage du vieux est très typé avec des traits rigolos par ses excès de langage et autres. Il est foncièrement intéressant à cause de la petite, pas l’inverse. Comme les parents de Joe d’ailleurs. La petite fille les observe, les comprend, veut et peut les aider. On se plait à rêver que ça existe des enfants comme ça. Et pourquoi pas ? L’art de cette auteure est de nous rendre la chose complètement plausible. C’est ça le talent.
Il y avait longtemps que je n’avais pas vécu une histoire plus que la lire.
La petite et le vieux, premier roman de Marie-Renée Lavoie, 238 pages, année parution : 2010