Magazine Politique
En France comme aux Etats-Unis, les présidentielles 2012 seront-elles, par un curieux hasard, le retour à l'année ... 1995 ?
La comparaison entre 2011 et 1995 alimente aujourd'hui les papiers des commentateurs américains. En 1995, les républicains forts de leur récente victoire aux élections intermédiaires livrent un bras de fer implacable sur les coupes budgétaires. Dole et Gingrich mènent le combat. Clinton devient le rassembleur face aux dogmatiques. Un an plus tard, il vit un triomphe électoral.
Aujourd'hui, c'est le même schéma du moins à l'étape des coupes budgétaires et Obama a déjà engagé un rebond important dans l'opinion publique...
En France, en ce début d'année 1995, la mode est à la dérision sur la candidature Chirac face aux "candidats officiels". Un soir de réunion publique à Metz, Philippe Seguin montre à la tribune et s'exprime en termes clairs : "on me demande pourquoi ne faites-vous pas comme les autres ? Parce que je ne confonds pas la politique et le PMU !".
N'assistons-nous pas actuellement à une course qui relèverait davantage du PMU que de la politique ?
Il y a manifestement les "candidats officiels" : Sarkozy, Strauss-Kahn et le Pen. Les médias formatent l'opinion à la compétition qui devrait se résumer à ce choix entre les trois.
Les autres candidats, ils auraient déjà "course perdue". Et d'ailleurs resteront-ils candidats ? Candidats pour quoi faire ?
L'opinion française n'a jamais accepté que son choix puisse être préfabriqué à ce point. Elle ne tolère ni les vainqueurs trop présomptueux ni les choix trop limités.
Il y aura un moment où les citoyens vont vouloir se réapproprier "leur" élection qui n'est ni celle des Instituts de sondages ni celle organisée par le pouvoir sortant.
Le week-end prochain, Dominique Strauss-Kahn vit un nouveau cadeau : le reportage (Canal +) dans la coulisse de ses fonctions au FMI. Le PS aurait ainsi un "sauveur international" qui ne pourrait même pas devoir concourir contre des "nains nationaux" : Hollande et sa douce Corrèze, Royal et le deuil de 2007, Aubry et le cambouis des fédérations PS ...
A droite, il en serait de même : Villepin et sa "solitude", Bayrou et son amertume ...
Par rapport à 1995, la pré-campagne actuelle a encore franchi des étapes dans la structuration de l'opinion. Il y aurait ainsi les "grands candidats" et les "participants obscurs" qui ne mériteraient même plus de figurer sur le tableau des résultats détaillés complets à l'exemple des sondages des derniers jours entièrement focalisés sur le jeu des trois premières places comme si parler des autres était devenu sans le moindre intérêt.
Il y aurait ainsi les compétiteurs pour la victoire et ceux pour le divertissement, ceux pour l'attention et ceux pour la diversion ...
C'est une présentation particulièrement indigne et scandaleuse car elle n'offense pas tant les candidats que les citoyens aux-mêmes en considérant qu'ils puissent être ainsi canalisés, groupés comme des moutons bien dociles.
Cette logique fait aussi partie du système que l'opinion ne parvient plus à supporter et, dans ce cadre parce qu'elle sert le système ponctuellement, Marine le Pen est bien intégrée quoiqu'elle n'en dise...
La véritable interrogation réside dans le rejet de ce PMU.
L'opinion aura-t-elle la force de refuser ce "jeu" ? Quand ?
A partir de quelle exagération les moutons deviendront-ils mutins ?
C'est le probable prochain épisode d'une pré-présidentielle qui pour l'instant n'honore pas la réputation démocratique de la France et par ricochet celle de ses véritables acteurs : les citoyens.
Dans ce contexte si singulier, il importe de féliciter ceux qui refusent ce PMU à l'exemple de Dominique de Villepin qui poursuit sa route dans des conditions difficiles et qui s'apprête le 14 avril à présenter ce qui devrait être au coeur de toute campagne électorale : des propositions détaillées, précises, travaillées dans la concertation depuis de longs mois déjà et non pas des pronostics dans des conditions techniques à l'opacité croissante.