Si l’année 2011 n’est plus celle du Mexique, elle reste celle des Outre-mer. Rien ne semble venir contrarier le bon déroulement de la programmation prévue. Rien, à par peut-être une exposition organisée au Jardin d’Acclimatation qui commence à éveiller bien des critiques…
Parmi les manifestations organisées (programme ici), l’une d’elles semble assez peu consensuelle. Le commissaire chargé de la programmation, Daniel Maximin, a choisi un site chargé d’un lourd passé historique pour l’accueillir: le Jardin d’Acclimatation. Selon lui, « il est temps pour l’Outre-mer de réinvestir ce jardin, de répondre aux errements passés en y affirmant la vitalité de cultures dont nous ne pouvons qu’être immensément fiers ». Cette manifestation intitulée « un Jardin en Outre-mer » permettrait de faire découvrir et de valoriser la diversité des cultures, « loin des clichés réducteurs ». Pas moins de 300 000 visiteurs sont attendus entre le 8 avril et le 8 mai, dont de nombreux enfants.
Si ces derniers ne connaissent pas le passé du lieu, leurs parents, leurs grands-parents et surtout les organisateurs de la manifestation, ne peuvent ignorer les sombres évènements qui s’y sont déroulés. Fondé en 1854, le Jardin d’Acclimatation est honteusement célèbre pour avoir accueilli de nombreuses expositions coloniales entre le XIXe et le début du XXe siècle. Afin de justifier l’expansion coloniale, de véritables « zoos humains » étaient organisés. Des Indiens, des Soudanais ou encore des Kanaks ont ainsi été enfermés, exhibés, humiliés, et totalement déshumanisés.
Des voix s’élèvent pour dénoncer le choix de ce lieu. Selon la députée de Guyane, Christiane Taubira, une exposition dans cet ancien jardin colonial raviverait « des blessures profondes ». Elle n’est pas la seule à s’indigner, puisque Jean-Paul Feraira, le maire d’Awala-Yalimapo, commune de Guyane, demande une modification du lieu de l’évènement. Il rappel notamment que c’est dans ce jardin qu’ont été exposés des Amérindiens de Guyane, les Kali’na, entre 1882 et 1892. Une partie de la population de ces régions a l’impression d’être une nouvelle fois une « attraction exotique » pour européens en mal de dépaysement. Cette manifestation serait une sorte de « remake » de l’exposition coloniale, façon XXIe siècle.
Mais depuis, près d’un siècle s’est écoulé. Entre temps, la loi Taubira a fait de l’esclavage un crime contre l’humanité. Le 21 mai prochain marquera d’ailleurs le dixième anniversaire de cette loi. Si les atrocités commises demeurent présentes dans les mémoires, les indignations liées au choix de ce lieu sont-elles justifiées ? Revenir à l’endroit même où les horreurs ont été commises, n’est-ce pas aussi une façon de dénoncer le passé et d’accomplir un devoir de mémoire ? Pour Daniel Maximin, il est nécessaire « d’exorciser ces lieux d’histoire » afin que « le passé révolu ne fasse pas reculer l’avenir ». A méditer.