On se souvient encore à Villeurbanne de la palissade que Hans Schabus avait édifiée autour de l’Institut d’Art Contemporain il y a trois ans, empêchant -ou, en tout cas, dissuadant - d’y entrer. Il récidive dans une exposition personnelle, ‘Nichts geht mehr‘ (Rien ne va plus), à l’IAC jusqu’au 24 avril. Une fois dans le bâtiment, c’est une carcasse désossée de caravane qui bloque l’entrée, barrant la première salle, obligeant à une manœuvre de contournement pour aller plus loin (‘Voyage autour de ma chambre’). Hans Schabus est un praticien psycho-géographe, qui modèle l’espace pour le spectateur, le contraignant à l’audace, à la transgression.
Plus loin, une chaîne tendue à hauteur d’homme cerne l’espace central du musée (‘Meterriss’, Trait de niveau) : elle aussi bloque, interdit, mais de plus elle attaque la structure. La chaîne est si tendue qu’elle mord dans les parois, crève les plaques de placoplâtre et tord les armatures d’aluminium : cette destruction de l’espace d’exposition est une attaque contre le white cube, mais aussi une stimulation de la curiosité du visiteur (que se passerait-il si vous osiez transgresser l’interdiction ?), une incitation à ne pas respecter les règles officielles d’occupation de l’espace muséal (ne pas toucher les sculptures, ne pas s’rapprocher des tableaux, ne pas prendre de photos au flash, ne pas rester plus d’une minute devant la Joconde,…). Hans Schabus serait-il un ferment de révolte ?
Bon nombre des pièces présentées ici se réfèrent à ses ateliers, rambarde récupérée, diaporama saccadé de photos des lieux, vidéo du rebouchage du puits (de Babel) qu’il y creusa. Si cette dialectique d’aller et retour entre atelier et espace d’exposition se comprend intellectuellement, elle paraît ici souvent un peu artificielle, tournant au procédé : ainsi du tas de poussière récolté quand il a fait le ménage dans l’atelier qu’il quittait. Rhinocéros et dinosaure récupérés dans un parc d’attraction font aussi de l’effet, mais sont trop anecdotiques à mes yeux.
Par contre, son travail sur le territoire, sur la carte m’a paru très dense : tout un mur de cartes trafiquées, transformées, effacées, une exploration du monde horizontale qu’il met en rapport avec la colonne sans fin. Dans la même veine, sa collection enfantine de timbres-postes couvre tout un mur : loin du classement habituel, les timbres sont classés ici pour former un arc-en-ciel multicolore (‘Welt’, Monde). On est au coeur de l’idée de série, de collection, allant de l’intime au mondial, de l’unique au collectif, du privé et clos au public et exposé.
Enfin HAAANS est un collage de portraits de lui, récoltés dans des magazines, mis à la même échelle et assemblés bribe par bribe : au delà de son image de Pantocrator, c’est un beau travail sur la représentation de soi, sur la réappropriation de son image.
Hans Schabus prélève, prend et montre, il occupe l’espace et le détourne, y laissant sa marque. Pour moi, c’est un digne héritier de Bruce Nauman.
Photos courtoisie de l’IAC. Voyage autour de ma chambre, 2010 (Caravane, Matériaux divers) et Meterriss, 2011 [Trait de niveau] (Chaîne en acier) : Courtesy de l’artiste, Vienne. Productions Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes.
HAAANS, 2009 (Collage, impression sur papier) et Welt, 2008 (détail) [Monde] (Timbres, papier) : courtesy Kerstin Engholm Galerie, Vienne.
Toutes photos : Vues de l’exposition Hans Schabus, Nichts geht mehr, 25 février – 24 avril 2011, Institut d’art contemporain, Villeurbanne/Rhône-Alpes. © Blaise Adilon.