Dans le cadre de sa mission qui vise à soutenir l’ensemble des domaines de la recherche médicale, la Fondation pour la Recherche Médicale (FRM) a, très tôt, identifié l’importance de développer la recherche sur la maladie d’Alzheimer et les autres pathologies neurodégénératives. En 2009, la fondation a ainsi investi près de 2,5 millions d’euros dans ce domaine. Aujourd’hui, à l’occasion de la Journée mondiale de l'Alzheimer, cette organisation fait le point sur les dernières avancées scientifiques dans la lutte contre cette maladie neurodégénérative.
21 septembre 2010 : Journée mondiale de la maladie d’Alzheimer La maladie d’Alzheimer touche environ 25 millions de personnes dans le monde et 860 000 en France. D’ici 2020, ce nombre aura doublé. Chaque famille comptera alors un proche atteint par la maladie. C’est pourquoi les recherches doivent s’intensifier, d’autant que certaines pistes semblent très prometteuses.
Les pistes de recherche pour prévenir la maladie
Etude de l’effet d’une supplémentation en Oméga 3 :
Les acides gras polyinsaturés oméga 3 sont impliqués dans la physiologie du cerveau, et les membranes neuronales en contiennent une grande quantité. Des études épidémiologiques ont montré qu’une faible concentration plasmatique en oméga 3 est présente chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, en relation avec la sévérité de la maladie. D’où l’idée des chercheurs de l’utiliser, sous la forme de complément alimentaire, pour prévenir la maladie.
Le rôle de la prise d’oméga 3 sur l’amélioration des capacités d’apprentissage et de mémoire des patients reste cependant à démontrer. Son efficacité dépendrait du stade d’avancée de la maladie, du régime alimentaire et de la présence ou non du gène de prédisposition apoe4.
Une étude en cours, menée au gérontopôle du CHU de Toulouse, vise à évaluer l’impact d’une supplémentation en oméga 3, associée à des exercices physiques et cognitifs, sur l’incidence des cas d’Alzheimer, chez des personnes âgées de 70 ans et plus. Cette étude a débuté en 2008, s’est étendue à d’autres centres français, et devrait durer trois ans.
Etude de l’effet d’une association entre glucose/malate et resvératrol chez des patients avec une maladie d’Alzheimer débutante ou modérée :
Le resvératrol est un polyphénol contenu dans le raisin et le vin. C’est un agent antioxydant qui semble protecteur dans plusieurs maladies liées à l’âge (cancer, maladies cardiovasculaires, accident vasculaire cérébral). Des études américaines sont en cours, chez des patients atteints de la maladie d’Alzheimer.
Les pistes de recherche pour améliorer le diagnostic
Développement de l’imagerie cérébrale :
- Développement d’un logiciel automatique de mesure du volume de l’hippocampe (une diminution du volume de l’hippocampe survient dès les premiers stades de la maladie).
- Développement de nouveaux ligands pour l’imagerie en tomographie par émission de positons (TEP) afin de pouvoir visualiser les dégénérescences neurofibrillaires.
- Développement de l’imagerie par résonance magnétique : elle fournit des images de résolution millimétrique suffisante pour voir les plaques séniles chez l’animal sans nécessité d’injecter un ligand marqué, comme dans la TEP. Les premiers essais sont en cours chez l’homme.
- Validation des données d’imagerie par des tests neuropsychologiques adaptés chez des sujets en phase prodromale (avant l’apparition des premiers symptômes) de la maladie.
Recherche de marqueurs biologiques :
Tout récemment, les chercheurs ont réussi à identifier, dans le liquide céphalo-rachidien des marqueurs biologiques permettant de prédire les futurs cas d’Alzheimer de manière fiable, beaucoup plus tôt qu’on ne l’imaginait, avec plusieurs années d'avance.
Recherche de nouveaux gènes de susceptibilité :
Il est clairement établi que la forme e4 du gène qui code pour l’apolipoprotéine E est un facteur de risque majeur pour la maladie d’Alzheimer. Le gène de l’apolipoprotéine code pour un transporteur de lipides sanguins. Il peut être présent sous 3 formes qui varient légèrement et qui produisent 3 formes protéiques avec des caractéristiques différentes. Une forte association entre la forme e4 du gène et la maladie d’Alzheimer a été mise en évidence : le risque serait 3 à 5 fois plus élevé chez les individus porteurs d’un variant e4 et 10 à 12 fois plus élevé chez ceux qui possèdent 2 variants e4. Mais ce variant ne représente que 20 à 25 % de la part d’héritabilité génétique de la maladie, il ne constitue qu’un facteur de risque et pas une certitude de développer la maladie. La mise en commun des données issues des études « genome wide » (analyses génétiques sur l’ensemble du génome) actuellement en cours d’analyse ouvre de nouvelles pistes de recherche.
Les pistes de recherche pour développer des traitements
Bloquer la synthèse du peptide amyloïde
Développement d’inhibiteurs de la gamma sécrétase, une enzyme qui intervient dans la synthèse du peptide amyloïde : les inhibiteurs de la gamma sécrétase empêchent le précurseur protéique appelé APP, présent dans le cerveau, de se transformer en peptide bêta-amyloïde, molécule toxique qui s’accumule dans les plaques amyloïdes observées autour des neurones des malades. Les essais cliniques sont actuellement en phase III.
Développement d’activateur de l’alpha secrétase : le précurseur protéique APP peut être clivé par une autre enzyme, appelée alpha-sécrétase : cette modification aboutit à la formation d’un peptide différent du peptide amyloïde. Si cette voie était davantage activée, elle concurrencerait la voie qui aboutit à la formation du peptide bêta-amyloïde, ce qui aurait pour conséquence de réduire la production de ce peptide. Un essai de phase III est en cours pour tester cette voie.
Augmenter l’élimination du peptide amyloïde
L’immunothérapie active : en stimulant les défenses naturelles du patient, cette thérapie vise à faire fabriquer par le système immunitaire des anticorps contre le peptide bêta-amyloïde. Des essais cliniques ont montré une régression des lésions cérébrales chez les patients traités mais des problèmes de tolérance ont nécessité l’arrêt des essais. Le protocole a été modifié, et de nouveaux essais sont en cours.
L’immunothérapie passive : elle consiste à administrer directement au patient des anticorps anti-peptide bêta-amyloïde humanisés ou même de simples immunoglobines (des protéines qui jouent un rôle essentiel dans la défense de l'organisme contre les agressions), afin d’augmenter l’élimination du peptide. En théorie, cette thérapie devrait entraîner moins d’effets secondaires. Trois essais de phase III sont en cours. Des résultats préliminaires modestes ont été publiés pour l’un d’entre eux chez les patients dépourvus de l’allèle APOE4 (prédisposant à la maladie) et pour un autre sur la diminution de la taille de l’hippocampe.
Bloquer la phosphorylation de la protéine Tau
L’augmentation de la phosphorylation (une modification chimique) de la protéine Tau provoque son agrégation dans les neurones, donnant lieu aux dégénérescences neurofibrillaires, un type de lésion histologique cérébrale majeure associée à la maladie. Le bleu de méthylène a montré des résultats préliminaires intéressants, sur un plan clinique (tests cognitifs) et au niveau de l’imagerie cérébrale. Un essai clinique en phase III devrait bientôt se mettre en place.
Modifier le cours de la maladie
Chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, l’acétylcholine, un neuromédiateur, circule en quantité réduite. En plus d’augmenter la libération d’acétylcholine, certains agonistes des récepteurs nicotiniques (récepteurs de l’acétylcholine) pourraient contrecarrer l’action toxique du peptide bêta-amyloïde. Plusieurs essais de phase III sont en cours.