Prêts in fine et assurance : la Banque est tenue d'éclairer son client

Publié le 09 mars 2011 par Yanngre

Les crédits in fine peuvent s'avérer particulièrement dangereux pour l'emprunteur.
En effet, ce dernier ne rembourse initialement que les intérêts, avant de devoir rembourser le capital en une seule fois, en fin de contrat.
Par un arrêt en date du 30 novembre 2010 (pourvoi n°09-72504), la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation a jugé que la Banque, qui fait souscrire une assurance à l'emprunteur lors de la conclusion du prêt, est "tenue d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle"
Cette décision précise que le fait de faire souscrire à l'emprunteur une assurance ne couvrant pas le capital dans l'hypothèse d'un emprunt in fine constitue un manquement susceptible de donner lieu à l'indemnisation du préjudice subi par l'emprunteur.
Il s'agit d'une décision particulièrement importante.
Dans l'hypothèse où l'assurance ne serait pas en adéquation avec le prêt souscrit et la situation de l'emprunteur, la responsabilité de la Banque pourra en effet être recherchée lorsque cette dernière ne sera pas en mesure de démontrer que l'emprunteur avait été informé des risques encourus.
Le texte complet de cette décision est le suivant :
"Sur le moyen unique :

Vu l'article 1147 du code civil ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 28 mars 1997, la société Banque populaire du Nord (la banque) a consenti, soit à la SCI Opaline (la SCI) si elle était constituée, soit, dans le cas contraire, à ses deux associés, M. X... et Mme Y..., son épouse, un prêt remboursable in fine ; que, sur proposition de la banque, ces derniers ont souscrit une assurance couvrant les risques décès, invalidité définitive et incapacité de travail auprès de la société UAP aux droits de laquelle se trouve la compagnie Axa Assurances (l'assureur) ; que Mme Y... ayant d'abord été placée en arrêt de travail, puis en invalidité, l'assureur a pris en charge les échéances d'intérêts du prêt mais a refusé de garantir l'échéance finale ; que la SCI et Mme Y... ont assigné la banque en responsabilité ;


Attendu que pour débouter la SCI et Mme Y... de leur demande indemnitaire, l'arrêt, après avoir relevé que la SCI, emprunteur principal, et l'assureur ont honoré l'ensemble des échéances du prêt, en ce compris la mensualité finale payée par la SCI elle-même et que, dans ces conditions, lors même qu'un contrat d'assurance adapté à un prêt in fine eût été souscrit, la garantie n'avait pas à s'appliquer en l'absence de défaillance de l'assuré-emprunteur, retient qu'ils ne justifiaient pas d'un préjudice certain résultant directement de la faute alléguée ;


Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, dès lors qu'elle avait relevé que l'assurance souscrite ne couvrait pas les emprunts in fine, si le manquement de la banque, tenue d'éclairer son client sur l'adéquation des risques couverts à sa situation personnelle d'emprunteur, n'était pas en relation directe avec le préjudice invoqué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;


PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la SCI Opaline et Mme Y... de leur demande indemnitaire formée envers la Banque populaire du Nord, l'arrêt rendu le 29 octobre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;


Condamne la Banque populaire du Nord aux dépens."

  Yann Gré - Avocat à la Cour, tous droits réservés. www.yanngre.com