Des brevets sur les plantes et les animaux produits selon des méthodes traditionnelles ?
L’Office européen des brevets (OEB) va prendre une décision fondamentale
par Armin Hoffmann
De plus en plus de pays permettent – sous le diktat de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) – le brevetage de plantes et d’animaux. On retire aux paysans leur droit séculaire de produire librement des semences et de les transmettre. On les prive de la possibilité de puiser dans la biodiversité afin d’élever des animaux et de cultiver des plantes résistantes et productives et de fournir aux consommateurs des aliments sains.
Le moteur de cette évolution sont les multinationales agroalimentaires mondiales qui s’emparent, par le biais de brevets pris sur des organismes vivants des droits exclusifs sur les semences, les plantes et les animaux, afin de faire des milliards de profits. Les paysans et les éleveurs, qui doivent payer des licences onéreuses, vont être poussés à la ruine, des pays entiers vont dépendre, pour leur production agricole, de quelques grands groupes biotechnologiques et agroalimentaires.
Le conseil d’administration de l’OEB a inséré dans la Convention sur le brevet européen (CBE) une directive biotechnologique qui est entrée en vigueur 1er septembre 1999. Maintenant le brevetage de plantes et d’animaux génétiquement modifiés est possible. Cependant l’élevage traditionnel d’animaux et la culture traditionnelle de plantes ne peuvent être brevetés.
La Loi fédérale sur les brevets n’est applicable qu’aux «inventions techniques», si bien que seuls les plantes et les animaux génétiquement modifiés sont brevetables (ce que l’on peut légitimement contester). En revanche, les élevages et les cultures traditionnels ne sont pas des «inventions techniques» car ils sont basés – bien que de manière ciblée et délibérée – sur un processus naturel qui n’est pas brevetable.
A l’été 2007, la Suisse a suivi l’UE et a adapté la Loi sur les brevets à la directive biotechnologique (Horizons et débats, No 24 du 25 juin 2007). Mais dans la loi suisse aussi – logiquement – les élevages et cultures traditionnels sont exclus. Ce n’est pas le brevet qui réglemente l’élevage et la culture traditionnelle mais la Loi fédérale sur la protection des obtentions végétales.
Et voilà le scandale: Sous la pression des demandes de brevet de plusieurs multinationales agroalimentaires, l’OEB a étendu sans cesse la brevetabilité des semences, des plantes et des animaux et en est venu à breveter des élevages et cultures traditionnels. Ainsi les grands groupes biotechnologiques et agroalimentaires s’approprient ce qui était à la libre disposition des paysans et des éleveurs, cette liberté étant absolument nécessaire si l’on ne veut pas tomber dans l’injustice.
La Chambre de recours de l’OBE doit prendre une décision de principe.
De nombreuses organisations de défense de l’environnement et des paysans du monde entier, dont Misereor et la Déclaration de Berne ont lancé un appel contre le brevetage du vivant à la Chambre de recours de l’OBE. Celle-ci doit trancher la question de savoir si elle va accorder un brevet à une culture spéciale de brocoli (EP 1069 819). La décision va avoir une importance fondamentale dans la mesure où elle servira d’exemple pour d’autres demandes de brevet sur des animaux et des plantes produits selon des méthodes traditionnelles.
Si l’OBE accorde le brevet, elle obéira à une pratique tout à fait courante aux Etats-Unis. Là-bas, Monsanto a fait breveter une plante de soja qui produit une huile de meilleure qualité. Le brevet porte sur une partie du patrimoine génétique et vaut aussi bien pour les cultures traditionnelles que pour les techniques nouvelles de «sélection assistée par marqueurs» (ou «hybridation intelligente»).
Pour la réaliser, on essaie de déterminer sur quel segment d’ADN est localisée la propriété souhaitée d’une plante ou d’un animal d’élevage. Si l’on trouve le gène marqueur dans le nouvel individu, on peut supposer que sont également présents les gènes responsables de la propriété désirée – meilleur rendement, meilleure résistance aux parasites, davantage de graisse chez les cochons, meilleur rendement laitier chez les vaches. Ainsi on n’a pas besoin d’attendre que les semences germent ou que l’animal ait achevé sa croissance pour voir si la qualité souhaitée est présente. La technologie des marqueurs permet de constater rapidement si un animal ou une plante possède les qualités souhaitées.
Mais le problème est le suivant: On ne sait toujours pas expliquer comment ces propriétés apparaissent. Ce ne sont pas des gènes individuels qui en sont responsables mais plutôt l’interaction de nombreux gènes qui occupent des régions entières de l’ADN. Si l’on brevetait des hybridations intelligentes, le brevet s’étendrait à des ensembles de gènes. Ainsi un paysan qui élève des porcelets possédant naturellement des gènes responsables d’une grande quantité de graisse, devrait payer des licences onéreuses parce qu’ils font partie de tout un ensemble de gènes sur lequel un grand groupe détient un brevet.
Ainsi certaines plantes ne pourraient plus être cultivée ni certains animaux élevés librement, on ne pourrait plus en faire librement le commerce et tout l’approvisionnement alimentaire tomberait entre les mains d’un petit nombre de grands groupes.
Quelques-uns des brevets d’invention les plus contestés sont détenus par Syngenta, grand groupe alimentaire basé en Suisse, qui a déposé des brevets sur des segments du génome du riz.
L’OEB a déjà délivré des brevets sur des plantes résistantes aux pucerons obtenues grâce à des techniques traditionnelles «assistée par marqueurs». Si l’OEB poursuit cette pratique, une nouvelle brèche serait ouverte et les élevages et cultures naturels pourront être brevetés. Ce sera une catastrophe qui causera la ruine des paysans et des éleveurs et les consommateurs seront privés d‘une production régionale naturelle qui, jusqu’ici, nous a approvisionnés en aliments de qualité.
Si le bon sens l’emporte et que l’OEB refuse de délivrer un brevet sur les brocolis, il prendra une décision fondamentale qui, du moins dans un premier temps, évitera le pire.
Sinon, les paysans et les éleveurs ont la possibilité de s’associer en une espèce d’«open source movement» qui brevette lui-même les nouvelles espèces et le fait savoir pour que personne d’autre ne puisse déposer de brevet. On défendra ainsi ce qui, depuis des siècles, est un droit des paysans et des éleveurs indépendants. Et les consommateurs conserveront une agriculture durable et naturelle, adaptée aux conditions régionales qui, comme elle l’a fait jusqu’ici, nous approvisionnera en aliments sains.
Mais sur cette question, les citoyens doivent s’engager, car il y va de notre sécurité alimentaire et finalement de notre indépendance.
Bien que la crise soit celle du capitalisme on s’aperçoit que celui-ci continuesursa lancée productiviste, ce qui implique exploitations expansives de toutes sortes ou formes de territoires, avec à la clé, déforestations,surdosesd’engrais,pesticides,insecticides, OGM, arrosages intempestifs, et le tout sans se soucier de la demande nutritionnelle qui se trouve dévoyée au profit de la bagnole etdessacs plastiques. On assiste donc à la mainmisedesmultinationales que beaucoup ont dénoncéà travers l’exemple le plus souvent cité, Monsanto. Si les critiques à l’encontre de cette firme sont justifiées, elle est néanmoins l’arbre qui cache la forêt.
On se souvient de Svalbard Global Seed Vault qui est une sorte de banque de conservatoire de graines, situéesurl’île du Spitzberg, et dont on doit le financement à la fondation Rockefeller, à la Fondation de Bill Gates, à la Fondation Syngenta et à Monsanto, le tout avec l’appui du gouvernement Norvégien. Fondée en février 2008 certains avaient tiquésurl’intention profondedesparticipants qui voulaient que cette action soit uniquement à but humanitaire afin de garder mémoire du patrimoine biologique de la planète. Le nomdes prétendus philanthropes en avait laissé sceptique plus d’un. Mais à la suite de la dernière trouvailledes rapaces on comprend mieux dans quelle optique mercantile et à quoi pourrait servir par la suite un tel potentiel de graines.
En effet, l’OEB (Office EuropéendesBrevets) a été saisie dedemandesà déposerdesbrevets pourdes variétés deplanteset semences issues de croisements traditionnels. Cela paraît anodin puisqu’il s’agit du Brocolidésignésous l’appellation barbare d’EP 1069819 et de la tomate EP 1211926 dont les brevetages sont à l’approbation. On ne peut que s’en émouvoir car jusqu’à présent les brevets étaient réservés àdes plantesou animaux issus de la recherche biologique,desdroits d’auteurs en quelque sorte. Mais là on est devant le cas de produit venant de cultures conventionnelles ce qui change tout l’aspect de la question puisque par ce biais les grands semenciers auraient la mainmisesurtoutes les filières économiques, que les produits viennent par le tripatouillagedesscientifiques de l’INRA pour ne citer qu’eux, ou tout simplement parce que le cultivateur a gardé de la graine qu’il a replanté ou semé. On comprend l’enjeu monétaire pour les multinationales si elles arrivent à breveter ce brave brocoli, ce dont s’est ému l’ONG, « No Patends on Seeds » qui lance avec Greenpeace et plusieurs autres associations un cri d’alarme.http://www.no-patents-on-seeds.org
Non aux brevets sur le vivant et l’alimentation! – wikistrike.over-blog.com.