L’actualité est à la fronde des mairies et collectivités touchées par les emprunts toxiques. Une association de collectivités de droite et gauche vient de se constituer pour essayer de faire plier les banques… qui ont vendu aux villes des prêts « structurés » c’est à dire dont les taux évoluent par palier en fonction de variables souvent posées sur des différences de taux de change de devises. La ville de Saint-Maur, sur un vote unanime de son conseil municipal a décidé de se lancer dans cette fronde contre les banques.
Pendant le dernier mandat ces banques ont commercialisé auprès des collectivités des emprunts dits « toxiques » car souvent dangereux.
C’est quoi un emprunt structuré ou un « emprunt à risque » ou encore des « produits toxiques » ?
Ils sont de très longue durée (30 ans environ) et structurés en 3 périodes :
- les premières années, période dite « de bonification », le taux d’intérêt fixe est inférieur au marché.
- Puis sur une très longue durée, la période dite « de formule à risque », a un taux d’intérêt variable, calculé en fonction d’un ou de plusieurs indices dont l’évolution échappe complètement à la Commune.
- Dans les dernières années, la deuxième période de bonification, a un taux d’intérêt fixe inférieur au taux du marché.
Dans cette logique de taux variable, l’emprunteur a une garantie de charge d’intérêts moindre en première et dernière période, mais doit traverser une longue période avec des risques importants d’intérêts imprévisibles. La banque, au contraire, constitue sa marge bénéficiaire en tablant sur les pertes de l’emprunteur, qui compenseront, bien au-delà, les gains consentis au départ et à la fin.
Tous ces prêts ne sont pas « toxiques », tout dépend sur quoi ils sont indexés. La ville de Lyon se flatte ainsi de couvrir ses dépenses énergétiques avec des prêts indexés sur le prix du baril de pétrole. S’il baisse, le taux d’intérêt monte. S?il grimpe, le taux d’intérêt baisse. La ville est assurée d’être gagnante sur un des deux tableaux !
Voici deux ans, la part des produits toxiques dans la dette de Saint-Etienne s’élevait ainsi à 70 %. La ville de Laval en Mayenne aurait également souscrit des prêts à taux variables représentant 40 % de l’encours de sa dette, de même que Brest. La dette du département de la Seine-Saint-Denis repose quant à elle à 97 % sur des emprunts à risques. Plus récemment, Les Echos ont révélé que la dette publique de la métropole lilloise serait constituée à 36 % de produits financiers à haut risque. C’est en effet le taux d’emprunts toxiques dans le total des emprunts d’une ville qui rend le risque important. »Nous avons constaté que si certaines collectivités pouvaient avoir des difficultés, il n’y a pas de risque majeur », affirmait en 2009 l’alors ministre de l’Intérieur et des Collectivités territoriales Michèle Alliot-Marie, à l’issue d’une réunion place Beauvau avec les représentants des banques et des associations d’élus. « Les quelques cas difficiles seront traités individuellement par l’ensemble des banques concernées et les représentants de la ou des collectivités locales en difficulté », a déclaré de son côté la ministre de l’Économie Christine Lagarde, tout en affirmant qu’il s’agissait d’une « part extrêmement minoritaire des collectivités locales ». Malgré cela, deux ans plus tard, rien n’a aidé les collectivités dans ce bras de fer avec les banques… C’est pourquoi des élus se mobilisent pour essayer de peser plus lourd à plusieurs face à ces vendeurs de rêve.
Pourquoi Saint-Maur est dans une telle situation ?
C’est un vrai concours de circonstances qui a amené notre ville à se retrouver dans une telle panade.
La ville de Saint-Maur avait un vrai retard d’investissements (équipements publics, voirie, etc.). Jean-Bernard Thonus, alors aux manettes et souhaitant être élu à tout pris s’est lancé dans de grands travaux. Il a dépensé sans compter pour un nouveau centre technique, une crèche, une école, une bibliothèque… Tous ces équipements étaient utiles, personne ne le conteste et ils ont d’ailleurs tous été votés à l’unanimité. C’est leur nombre et le montant total qui est vite devenu problématique. De tels investissements auraient dû être faits sur la durée et rattraper si vite le retard sans prévoir des recettes à mettre en face est déjà une erreur. Donc la ville a emprunté car le futur candidat à la mairie ne souhaitait pas augmenter fortement les impôts avant l’élection qu’il préparait. Quand on investit sans augmenter les recettes, Saint-Maur n’ayant pas d’entreprises pour apporter une grosse aide financière, il faut donc aller voir les banques pour emprunter.
C’est là que nous avons plongé plus que les autres. A Saint-Maur augmenter les impôts est problématique car, même si les taux sont bas, ils sont appliqués sur de telles bases tellement élevées que nous payons déjà les impôts les plus élevés de France.
On pourrait se demander pourquoi en payant autant d’impôts notre ville n’a pas plus de moyens… Tout simplement car sans grandes entreprises pour compenser, la structure pavillonnaire de notre ville coûte cher. Moins de gens pour contribuer financièrement et plus de rues a entretenir et surtout un retard très important d’investissement qu’il faut rattraper.
Donc on avait besoin de beaucoup d’argent pour financer de nombreux équipements. Les banques, qui jusqu’à présent étaient nos partenaires pour ces emprunts, ont proposé de nouveaux emprunts et la ville a plongé sur ces emprunts toxiques comme d’autres mais à plus grosse échelle. Maintenant l’addition est salée. Et ce petit jeu des banques aurait pu continuer longtemps si la crise n’avait pas fait ouvrir les yeux aux élus de tous bords concernés. Maintenant personne ne peut dire qu’il n’est pas au courant du risque mais avant, personne ne savait, même l’Etat n’a pas mis en garde les collectivités ne voyant rien à redire à ces prêts.
Donc pour Saint-Maur la vraie cause du problème est le volume emprunté. C’est un peu paradoxal de savoir qu’on a besoin d’un équipement (école, crèche, bâtiment sportif, bibliothèque, etc.) et se dire qu’on doit attendre pour l’avoir car on n’a pas les moyens mais acheter trop vite c’est mettre la ville en danger. Alors faute à celui qui n’a pas fait l’investissement au départ, faute à celui qui a fait trop vite ? Un peu des deux ? Faute ensuite clairement à la banque qui est venu plumer la ville avec des emprunts qu’elle savait comme dangereux. On me dirait de miser sur l’avenir sur un pétrole qui monte je comprendrais et je me dirais qu’est un risque possible à prendre. La différence de cours entre le Yen japonais et le uan chinois, j’aurais un peu plus de mal…
Espérons que les banques prendront leurs responsabilité et renégocieront les prêts sans sur-prime, elles ont largement les moyens de le faire.